Voilà une jolie façon de fêter un anniversaire pour une Maison d’Édition, publier ce second volume pour les dix ans de l’Atelier des Cahiers et celui-ci porte le titre de « les Cahiers de Corée – Créer ailleurs – France Corée » (paru en 2016, sous la direction de Benjamin Joinau et Yves Millet).
C’est un livre qui me tentait vraiment. D’abord par sa couverture toute simple mais élégante et ayant consulté le sommaire j’ai compris que la lecture serait aussi bien passionnante que très diversifiée. En effet, il y figure de nombreux textes, poèmes, dessins, photographies vraiment réussies.
J’ai remarqué également les noms de certains écrivains-voyageurs très connus tels que Nicolas Bouvier, Lorenzo Pestelli et François Laut pour ne citer que ceux-là . Donc des références très intéressantes. Ce livre est construit de façon très particulière : chaque écrivain y cite des extraits – d’autres y ajoutent des illustrations, des poèmes – le tout faisant que l’on peut passer à certaines pages plutôt qu’à d’autres et revenir sur les chapitres pas encore parcourus.
De plus, c’est une invitation au voyage, en Corée, avec l’exotisme qui s’y attache mais le chroniquer n’est pas chose facile. Le feuilleter, lire certains passages, admirer sa conception, relire quelques chapitres, quelques paragraphes, des poèmes… un bien bel exemplaire grâce à la réunion de tous les participants pour l’élaboration d’un si bel objet. De plus, avec ses 278 pages bien fournies on ne peut que le consulter plusieurs fois en étant toujours ravi de sa beauté et de sa richesse.
Le livre commence par une présentation nous informant que c’ est une suite à un premier volume « Les Cahiers de Corée-Vivre ailleurs » et rend hommage à tous ceux qui ont partagé leur talent, leurs pensées… :
« Il réunit, comme le premier volume, un ensemble varié présentant les contributions de celles et ceux qui furent à nos côtés, depuis le début de notre aventure éditoriale, celles et ceux qui nous firent confiance et régulièrement apportèrent leur soutien. Il présente également des contributions de collaborateurs passés, présents ou futurs pour qui la publication de nos livres ou de la revue Les Cahiers de Corée – d’où est issue la présente maison d’édition – a toujours représenté un pont entre la Corée et la France. »
Voilà une petite indication et j’ai été étonnée, étant donné l’épaisseur du volume, de m’y être trouvée totalement envoûtée par la beauté des textes, de ne jamais être indifférente à la moindre notification ou information et, je le reconnais, croyant qu’il me faudrait au moins quelques jours pour le lire, pas du tout, ce fut rapide car le texte est bien mis en valeur et de façon claire. Par contre, je sais que j’y reviendrai pour consulter à nouveau quelques chapitres en particulier.
Dans le fond ce livre est certainement fait pour cela car il me semble difficile de n’en prendre connaissance qu’une seule et unique fois. C’est le genre d’ouvrage à reprendre de temps en temps afin d’en admirer non seulement les textes et poèmes, mais aussi bien apprécier toutes les illustrations qui l’agrémentent si richement.
Lorenzo Pestelli écrit en page 32 : « La Corée, terre du morning calm, où les moines nous apportaient chaque matin le bol de riz, après avoir chanté leurs sutras de sorte qu’en cinq semaines nous avons vu dix-sept aubes. » Pensée très poétique.
Quant à Roseline Sibille, elle écrit : « Je ne sais ce que je vais créer. La nature coréenne m’enveloppe. Il me faudra entendre sa parole ». (page 128).
Pour parler d’un écrivain-voyageur avec sa participation très appréciée, on trouve des extraits du « Carnet inédit » : « Corée-Indonésie 1970 » où il parle de son voyage en Corée du Sud avec son épouse Éliane qui a eu la générosité d’en accepter la publication et qui est resté longtemps inédit. Nicolas y évoque des souvenirs japonais, son voyage : « C’est une Corée lointaine, presque défunte, qui resurgit vivace sous la plume à la fois picturale et enquêteuse, parfois sombre, de l’écrivain genevois. » (François Laut – page 37).
On a vu sur la quatrième de couverture, tous les personnages qui ont fait de ce livre un bel objet et je suis tentée de faire mention des extraits de textes ou des poèmes qui le composent :
* Lorenzo Pestelli : Heure coréenne.
* Nicolas Bouvier : Carnet Corée-Indonésie 1970.
* Laurent Barberon : « Tirez une flèche à la lune ».
* Kim Hyun-ja : Poètes de l’ailleurs II.
* Nathalie Savey : Être parmi.
* Moun Young-houn : Au-delà du cercle polaire.
* Roselyne Sibille :  Corée d’été.
* Élisa Haberer : Un jour, à Gyeongju
* Alexandre Guillemoz & Bang Hai ja : Croisements.
* Kza Han : En soi, hors de soi.
* Tchoe L’Hys : Passant II.
* Bae Su-ah :  Mouson.
* Cathy Rapin : Exotisme ordinaire.
* Samir Dahmani : « La foule est son domaine… »
* Nicolas Hazard : Le roi lune et le roi soleil.
* Lyang Kim : Pourquoi ce lieu me manque ?
Si j’ai dévoilé le sommaire c’est tout simplement pour démontrer à quel point la variété est importante. Mais il ne faut pas oublier les très nombreuses et bienvenues illustrations.
J’ai aussi remarqué un chapitre de Nathalie Savey sur le Cheonjiyeon 천지연 qui est est celui d’une cascade très connue en Corée du Sud, sur l’île de Jeju. Elle explique : « J’ai gardé ce nom de lieu car il signifie que dans cet étang, le Ciel et la Terre se rencontrent – cheon 천 (Ciel), ji 지 (Terre), yeon 연 (Étang) – et ce qu’il signifie rejoint mes photographies. Ce nom évoque aussi pour moi un souvenir, le jour où j’ai vu la terre et le ciel se rencontrer est le jour où j’ai vu la foudre, la lumière. Ce lieu a une légende. En résumé, une femme a été sauvée d’une agression par un dragon surgi de cet étang, et s’étant évanouie, en se réveillant, elle a trouvé à côté d’elle une pierre de cristal. Le cristal est le symbole de la transparence, de la pureté de la lumière. « (page 94).
Vers la fin de ce livre, de la page 241 à la page 269, dans un chapitre intitulé « Le roi Lune et le roi Soleil », Nicolas Hazard, né en Corée, nous livre plusieurs poèmes tout à fait originaux ayant pour titres des « Rencontres ».
On finit en beauté avec Lyang Kim, dans « Pourquoi ce lieu me manque ? » où elle explique que trois lieux sont inscrits dans sa vie (Busan, Paris, Yeohajin) « dans une nostalgie mouvante et changeante ». Et pour elle, « la meilleure façon pour parler de cette nostalgie, c’est l’image ». Elle nous livre donc un « petit documentaire virtuel » sur son lieu natal, son lieu d’adoption et sur son lieu de rêve. On y trouve des photos du métro parisien, du métro à Busan, du marché à Busan, le tout avec des petits commentaires explicatifs et des « # voies off ».
Bien entendu (et c’est dommage), je n’ai pas pu évoquer TOUS les participants de ce beau livre qui nous emmène en Corée, aussi bien par le voyage que par de nombreux poèmes. Les pages se sont tournées toutes seules, voulant aller d’elles-mêmes toujours plus loin, curieuses de connaître la suite et je n’ai fait que me plier à leur volonté en me félicitant de ces moments de grâce et de beauté.
L’Atelier des Cahiers, Vous avez su me charmer et ce livre n’est pas près de quitter mon chevet car, je pense que je vais déjà y retourner pour y admirer à nouveau toutes les photographies extrêmement réussies. Un peu plus tard, je reprendrai quelques textes en les choisissant un à un car ils valent tous le détour. Ne serait-ce que par le nom des écrivains ou par leur différence d’écriture. C’est peut-être la raison pour laquelle ce n’est jamais monotone, bien au contraire car la surprise est toujours présente, dès que l’on tourne une page.
Il ne me reste plus qu’à dire quelques mots sur Benjamin Joinau et Yves Milet qui ont dirigé cette publication :
Yves Millet est Professeur à la Graduate School of International and Area Studies et au département des études françaises, Hankuk University of Foreign Studies, Séoul, Corée du Sud. Il est membre associé du groupe de recherche « Architecture. Milieu. Paysage » (CNRS). Il a publié : À l’occasion des rives. Essai sur les modalités du sensible (L’Atelier des Cahiers, 2014), Expérience esthétique & milieu (Le Manuscrit université, 2006).
Benjamin Joinau est un anthropologue travaillant sur l’imaginaire coréen, traducteur et bistrotier à Séoul.
Je vais peut-être me répéter, il ne faudra pas m’en vouloir, mais c’est énormément de poésie qui ressort de ce livre qui est un formidable ouvrage – poésie dans les textes – dans les poèmes bien sûr – dans les descriptions des paysages, des pensées, des dessins et photographies… et je salue l’exploit de L’Atelier des Cahiers pour une telle publication, avec les choix qui ont été faits et qui sont tellement diversifiés qu’il en ressort un grand enchantement à la lecture.