Ne pas connaître l’oeuvre d’Henri Michaux n’est en aucune façon un frein à la lecture de ces lettres (qui donnent férocement envie de poursuivre la découverte). L’idée, en elle-même, est séduisante : réunir, présenter, contextualiser quatre-vingt onze lettres qui toutes disent non. Non aux honneurs, non à l’exposition médiatique, non aux adaptations (ciné, théâtre, chanson), non aux lectures à voix haute (radio ou en public), non aux interviews, non aux rééditions, non à la Pléiade (!!) (de son vivant), non laissez-le, vous dit-il encore et encore. Mais la manière ! Mais ce qui nous agite tout au long de cette lecture, ce qu’on tente de comprendre des raisons profondes de ces refus entêtés et constants, la personnalité qu’on dessine dans notre imagination de lecteur, cette distance qui nous fait regarder la vie littéraire contemporaine avec chagrin… A lire ! « Le 5 juin 1943, Je pensais aller à Paris ces jours-ci et donner réponse à la demande qui m’a été faite de participer à votre anthologie des poètes. Le voyage n’a pas eu lieu, mais la réponse, la voici : je ne fais pas de poèmes au vrai sens du mot et ne dois pas être tenu pour un poète d’anthologie. Il y a là un quiproquo entretenu par quelques fous. Mais je suis décidé à le faire cesser et vous prie de ne pas me faire figurer dans votre anthologie. La chose vous est, je suppose, indifférente et je m’excuse de lui donner malgré moi de l’importance. Agréez, je vous prie, Monsieur, mes salutations distinguées. »