Les internautes l'ont lu
Nous sommes le 26 juin 1976 aux jeux olympiques de Montréal. J’avais onze ans et demi à l’époque et je garde en mémoire ce prodige, cet exploit. Nadia Comaneci âgée d’à peine quatorze ans vient de réaliser l’incroyable. Elle a même semé le trouble dans les ordinateurs car jamais ce n’était arrivé, elle réalise le score parfait, un 10. La perfection est incarnée par cette petite roumaine qui renouvellera l’exploit tant aux barres asymétriques qu’au cheval d’arçon, à la poutre et au sol. Elle éblouit le jury et conquit la planète. Mais à quel prix réalise-t-elle ses exploits ? C’est un peu l’enquête que va mener Lola Lafon. Un procédé original et ambitieux : durant plus d’un an elle va échanger téléphoniquement et par mail avec Nadia et construire ce récit à la fois historique et journalistique. Chapitre après chapitre, au fil des échanges s’écrit ce récit sensible, juste, captivant et poignant pour nous conter le destin de cette petite fée adulée par son pays tout entier. Je ne suis pas particulièrement férue de gymnastique et ce n’est pas nécessaire pour être embarqué dans ce récit magnifique. On y découvrira comment et par quels sacrifices, cette fillette d’Onesti est devenue ce qu’elle est. C’est à l’âge de six ans qu’elle a débuté les entraînements longs et durs imposés par son coach et entraîneur Bela Karoly aux méthodes pas toujours orthodoxes. On découvrira la détermination, le perfectionnisme de Nadia, mais aussi les rouages du communisme de Ceaucescu qui fit de Nadia sa chose , l’icône adulé de la nation, le symbole de la réussite roumaine. Le rôle et la place prépondérante de la Securitate, la peur, les manques de nourriture, les magasins vides, la soumission, l’obéissance au régime seront également abordés. Nadia deviendra l’image du pouvoir, soumise au régime, exhibée partout en compagnie du roitelet (le fils de Ceaucescu, elle vivra par procuration, à travers les autres même pour communiquer). On la suivra jusqu’à sa fuite, la fin du régime et sa « mauvaise » entrée aux Etats-unis. Un livre encensé souvent. J’avoue avoir adoré le premier tiers, la force de l’écriture, l’écriture sensible, un texte intelligent et instructif. Je me suis un peu perdue dans la seconde partie du récit même si je suis contente d’avoir fait cette lecture très instructive retraçant l’histoire d’un mythe, d’une reine déchue et l’histoire d’un peuple, d’un pays. Ma note : 7/10 Les jolies phrases Ce qu’elle accomplit ce jour là, personne ne sera capable de le raconter, ne restent que les limites des mots qu’on connaît pour décrire ce qu’on n’a jamais imaginé. Ces étages d’horaires, d’aliments immuables, de gestes et d’odeurs. Et leur soumission tranquille à toutes les restrictions parce qu’elles savent que chaque poussière d’envie, chaque déviation possible, un samedi à flâner, à jouer dans la chambre, un goûter trop copieux, chacun de ces virages penche vers une autre vie, celles des enfants ordinaires, sans but ni avenir. Nadia, elle est une plante carnivore de dangers dont il faut la gaver. Tous les sportifs qui gagnent des symboles politiques. Ils promeuvent des systèmes. Communisme à l’époque, capitalisme aujourd’hui. Barres, magnésie et sueur, ce mélange, la trilogie de son existence. Sa vie, dure comme un vaillant train télécommandé, s’enraye. L’obéissance n’est qu’une des pièces détraquées et manquantes du puzzle parfait de sa vie précédente, parmi celles-ci : cette faim permanente qui rend le sommeil difficile (rêver qu’on mange et s’éveiller à l’aube terrorisée d’avoir failli manger), les mains entamées d’ampoules et de minuscules coupures jamais refermées, les cuisses tatouées de bleus ancrés dans les veines et ces muscles dont les fibres lâchent, tendons claqués toujours rattrapés de justesse par les indispensables codéine et cortisone. Je ne vais pas tourner le dos à ce qui me fait peur. Je fais face, parce que la seule façon d’échapper à ma peur est de la piétiner. Pendant les années 1990, il était de bon ton de haïr notre passé comme s’il n’y avait rien eu de bon du tout sous le régime communiste, comme si nous n’avions pas de passé! On a existé ! On a même ri! Aimé ! Il n’y avait pas de farine ? C’est vrai. On était tous en uniforme ? Vrai! Vrai! On ne se moquait pas des enfants qui ne portaient pas la « bonne marque » de sweat-shirt, les vêtements étaient des vê-te-ments pas des symboles! Mes parents sous Ceausescu, allaient à la montagne, au restaurant, au concert, au cirque, au cinéma, au théâtre ! Tout le monde gagnait plus ou moins la même chose, les prix n’augmentaient presque pas ! Ils avaient constamment peur, c’est vrai, peur qu’on ne les entende dire des choses interdites, aujourd’hui, on peut tout dire, félicitations, seulement personne ne nous entend…. 255 et suite Retrouver Nathalie sur son blog |
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