Beaucoup plus qu’un simple ouvrage érotique scandaleux pour son époque (il a été interdit en Angleterre jusqu’aux sixties !), « L’amant de L.Chatterley » est un manifeste aux couleurs de l’anarchie, mais plutôt dans le bon sens du terme selon moi. C’est un vibrant plaidoyer pour un retour des hommes vers l’état de nature, un appel à leur reconnexion avec celle-ci. Ecrit quelques année après l’armistice de 18, c’est une dénonciation sans pitié de la société industrielle et des privilégiés qui l’ont mise en place. C’est le constat caustique des castrations socio-politiques et religieuses sur les individus autant qu’un appel aux révolutions intérieures, je dis bien intérieures parce que D.H Lawrence ne semble pas croire encore en des solutions politiques à nos déchéances…
Je dois dire que je ne suis pas loin de partager complètement son pessimisme, de me déclarer complètement en phase avec lui, de voir en lui, même, un visionnaire sur bien des points ! Pourtant, si quelque chose m’en retient et m’a choqué dans son chef-d’oeuvre, que je viens de relire plus de 30 ans après l’avoir découvert, ce n’est surement pas le caractère débridé et stimulant des passages qui nous font vivre les frasques sexuelles de Mellors et Constance, les deux héros transgressifs. Non. Ce qui m’en retient, c’est juste quelques phrases méprisantes concernant les lesbiennes, placées dans la bouche de Mellors quand il parle à Constance de ses expériences amoureuses avant elle. C’est juste une autre déclaration du même Mellors à propos des noires, et donc du mélange des races : « …Je pensais qu’il n’y avait plus de femme qui pouvait vraiment jouir naturellement avec un homme; sauf les Noires et… enfin, bon, nous sommes des Blancs, et elles, ça fait un peu comme de la boue. » Enfin, ce qui m’en retient c’est juste une ou deux brèves allusions à l’avarice ou à la ruse des juifs, « entendues » dans la bouche d’autres personnages ou remarquées dans le récit narratif, je ne sais plus trop. J’aurais dû les noter quand je les rencontrais, mais ces allusions m’ont choqué, je m’en souviens… Alors ? Raciste et discriminant, D.H Lawrence ?
Je sors de donc de cet ouvrage majeur avec une opinion plutôt enthousiaste tempérée par quelques réserves, incapable de me dire de D.H Lawrence que je le déteste comme je peux le dire de L.F.Céline, par exemple, tant les « phrases qui fâchent » sont rares dans son allégorie, tant ces pages semblent habitées par une générosité panthéiste rafraîchissante. Et j’en conseille la redécouverte, en tous cas…