« L’air de rien » réunit dans un bel écrin cartonné en couleur la centaine de strips parus dans le supplément week-end du journal Libération entre 2013 et 2015. Sans utiliser de cases, en deux, trois, au maximum huit dessins, l’auteure livre des tranchettes de vie agrémentées de quelques illustrations en pleine page, qui ralentissent le rythme de lecture et permettent d’apprécier sa dextérité.
Le speed du métro, le vélib’ fou, la quête d’une terrasse au soleil préfigurent la rencontre d’un autre type, la soirée sans fin et sa conclusion, le romantisme mis à nu. Cela débouche sur la maternité innée et la paternité non acquise, qui parfois s’achèvent par la garde alternée. À l’instar des « Frustrés » dessinés par Claire Bretécher dans les années 70, Aude Picault puise dans son environnement de trentenaire parisienne le portrait d’une société mi-bourgeoise, mi-bohème. Sans porter de jugement, elle relate les travers de cette formidable aventure du quotidien.
En ce qui concerne les pleines pages, on songe avec évidence à Sempé. La différence réside dans la finition. Finesse et courbe sont maîtrisées, ce qui lui permet d’aborder des thématiques parfois difficiles, comme en témoigne un premier ouvrage autobiographique paru en 2006 dans lequel elle revenait sur le suicide de son père. Cette qualité graphique s’accorde avec une histoire complète tel son « Idéal standard » paru au début de l’année. De sa passion pour la musique, elle a tiré un album intitulé « Fanfare » sorti chez Delcourt (2011). Dans un registre particulier, « Comtesse » (2010) faisait montre de cette complémentarité entre le texte et l’image. À l’heure de la féminisation parfois médiatique du neuvième art, Aude Picault est une auteure discrète, reconnaissable à son talent.