On retrouve ici le talent des auteurs pour mêler l’Histoire et la fiction. Dans Un maillot pour l’Algérie, ils brillaient d’invention. Pour cette plongée dans la biographie d’une athlète très ambiguë, on retrouve la même verve et le même souffle. Ils veulent via le personnage de fiction de Lucie Blumenthal remuer les versions officielles. D’aucun dirait que le conflit mondial a été assez travaillé mais ici, ce n’est pas tant la guerre qui est en question que la Libération de la France, ce moment où de Gaulle a décidé de réunir tous les Français derrière le mot de résistance. Cette fiction permet d’illustrer par la vie (et surtout la mort de Violette Morris) les exactions menées par des hommes et des femmes pour paraître plus résistants que jamais. Le coeur de l’histoire est donc la nature humaine, sa capacité d’oubli et de pardon. La volonté des auteurs est donc très forte et marque les premières pages de la BD. Les scènes dialoguées entre Lucie et le commissaire sur la guerre, la Libération, l’oubli sont passionnantes car elles mettent en scène le débat national. Les dialogues sont tenus et les cadrages saisissent le doute, la résignation ou la détermination des personnages. Il y a une force contenue qui imprègne le récit. Mais les flash backs sur la vie de Violette Morris diluent un peu cette puissance. Le personnage est très impressionnant et la découverte de sa vie marquante (que ce soit dans le sport face au patriarcat ou dans sa propre vie sentimentale). Il faudra attendre de voir le deuxième tome pour mieux voir le travail d’équilibrage des auteurs dans ces deux rythmes narratifs.