Qu'Allah bénisse la France !
Abd al Malik

Editions Albin Michel
spiritualite
novembre 2014
220 p.  7,50 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Liberté, égalité, fraternité !

Comment apprend-t-on à tirer des portefeuilles ? Pourquoi la morale d’un gamin est-elle forcément celle de ses potes ? Comment devient-on musulman fondamentaliste, après avoir été élevé dans la religion catholique d’une mère et d’une école privée ? Qu’aperçoit-on de la France, du fin fond d’une cité de banlieue ? Comment se débrouiller du fait qu’en principe on est français, mais qu’en pratique c’est plus compliqué ? Parce que la couleur de votre peau est trop brune, que vos parents ne connaissent pas tous les us et coutumes de leur pays d’adoption ? Que vous vous souvenez des merveilleux moments d’une petite enfance congolaise ? Quelles qualités faut-il pour grimper dans la hiérarchie de la délinquance ? En quoi sont-elles proches de celles qui permettent de grimper dans la hiérarchie d’une entreprise ? A quel jeu joue Tarik Ramadan ? A ces questions et à bien d’autres choses encore, on trouve des réponses dans l’autobiographie d’Abd Almalik : « Qu’Allah bénisse la France ».
Le parcours d’Abd Almalik est si complet, sa langue si maîtrisée, son regard si distancé que par moments on a l’impression de lire un « Que Sais-je » sur acculturation et identité, banlieue, intégrisme, drogue et délinquance. Il a (presque) tout vécu et (presque) tout compris. Même le racisme entre Arabes et Noirs : il a épousé une jeune fille marocaine qui jouait du violon : elle est devenue la chanteuse Wallen.
Abd Almalik aura bientôt quarante ans. De son vrai nom Régis Fayette Mikano, il s’est fait connaître par le rap; lui et son groupe, N.A.P. (New African Poets en français) ont connu de grands succès, reçu plusieurs Victoires de la musique. Le 10 décembre sort en salle le film qu’il a lui-même réalisé à partir de cette autobiographie, écrite voici dix ans et judicieusement rééditée en poche.
Quelles que soient les qualités du film, il ne remplacera pas ce roman de formation vécu qui ouvre l’esprit et incite à une réflexion sur les difficultés à trouver sa place dans les tourbillons de la mondialisation, à se construire une personnalité et un système de valeurs à partir des fragments érodés et contradictoires des civilisations qui vous composent. Abd Almalik a trouvé finalement son équilibre et sa paix dans le soufisme, branche ésotérique et mystique de l’islam qui, au moins dans son esprit, est un appel à l’abandon de la haine et du ressentiment. Le livre se clôt dans la ferveur d’une visite œcuménique camp d’Auschwitz.

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