S’il y a un livre que François Hollande devrait lire, c’est bien cette biographie d’Angela Merkel. Bien écrite, très documentée sans être fastidieuse pour un lecteur français, elle est très, très intéressante.
La personnalité d’Angela Merkel s’est façonnée autour de trois composantes déterminantes : elle est fille de pasteur, physicienne et a grandi en Allemagne de l’Est. Le premier point n’est sans doute pas le plus important. Angela Merkel est chrétienne mais sans ostentation. En 1991, elle est Ministre de la condition féminine et sait prendre une position sur l’avortement plus libérale que celle préconisée par une CDU très conservatrice. Elle a alors 37 ans et rentre à cette occasion dans la lumière politique. En tant que physicienne, elle a une approche très pragmatique de la réalité et cherche réellement à comprendre ce qui se passe plutôt que d’appliquer une grille de lecture et d’analyse idéologique. Enfin Allemande de l’Est. C’est peut-être le plus important pour comprendre son parcours. Le socialisme, le bilan globalement positif du communisme, elle en a fait le tour dès sa jeunesse. Et au moment de la chute du mur, qu’elle n’imaginait pas si rapide, elle comprend très vite qu’il n’y aura pas de modèle ni de statut particulier pour l’Allemagne de l’Est, que l’unification est en marche et que le modèle de l’Ouest tant politique qu’économique l’emportera. Ce passé communiste explique aussi qu’elle a su tisser des liens avec les Russes, dont elle parle la langue, ainsi qu’avec les anciennes « colonies » soviétiques comme la République tchèque, la Hongrie et même la Pologne (pour une Allemande ce n’était pas gagné), ce qui confèrent à l’Allemagne un poids politique que l’on n’avait pas vu venir.
Rien ne disposait cette jeune femme, ni belle ni coquette, à devenir chancelière. On se demande même pourquoi elle est entrée en politique. Sans doute l’envie de peser sur la réalité, de jouer un rôle dans cette Allemagne qui a spectaculairement réussi son unification. En cours de route, le goût du pouvoir lui est venu et ne l’a plus quittée. C’est cela aussi que l’on découvre à la lecture du livre de Florence Autret. Une intelligence vive, une capacité à attendre le bon moment et un sens de la réalité qui confine au cynisme. Elle sait circonvenir ces rivaux, ou introduire une tierce personne pour brouiller les cartes. La façon dont elle s’est emparée du pouvoir est un modèle du genre. Sa main n’a pas tremblé pour tuer Helmut Khol, son père politique, et s’imposer comme leader de la CDU.
Ce que l’on retient de cette lecture aussi, c’est le rôle considérable joué par le parlement et par la Cour constitutionnelle de Karlsrhue. Il s’agit de véritables contre-pouvoirs, dont en France nous n’avons pas la culture. Angela Merkel ne fait pas ce qu’elle veut. La nature parlementaire du régime l’autorise à se rendre au Budenstag où elle passe un temps considérable pour « tenir » les parlementaires de sa coalition.
Le livre se termine sur l’Europe. Le récit des négociations entre les exécutifs français et allemands en pleine crise est passionnant et l’on mesure à quel point les vues de la chancelière, placide et pragmatique, se sont imposés à tous, malgré les résistances françaises. Si les Européens, à l’occasion de cette crise, ont pris la mesure de la prépondérance allemande, on comprend à la lecture de ce livre que la personnalité d’Angela Merkel y est pour beaucoup.
Cette femme venue de Prusse a su s’imposer à l’Ouest et dans un monde politique dominé par les hommes, mener une coalition, faire face à la crise économique et aux pressions européennes. Tout cela sans mouvement de menton, sans la morgue d’une Thatcher, sans les yeux de biche d’une Eva Perron.
Une chancelière normale, alors ? Sans aucun doute. Mais quel talent !