« Balzac poursuivait trois buts dans la vie : être connu, être aimé et être riche. »
Epic fail ? Oui et non. D’abord, et ça me semble très important à souligner, quand on est aimé et célébré comme ça à des siècles de distance, on n’a évidemment pas complètement raté sa vie. Mais de son vivant, Honoré, comme l’appelle affectueusement Titiou Lecoq, aura tout de même bien galéré, en contribuant largement la plupart du temps d’ailleurs tout seul comme un grand à ses problèmes. Connu, il a fini par le devenir. Aimé, il l’a sans aucun doute été. Riche ? Jamais, mais il a vécu comme s’il l’était. Titiou Lecoq nous raconte tout ça à sa sauce et c’est passionnant. Exercice d’admiration écrit les yeux grands ouverts, sa vision d’Honoré rétablit quelques vérités mais ce faisant rend le mystère encore plus intrigant : s’il était petit, gros, édenté et autant dans la dèche, comment expliquer son pouvoir sur de si nombreuses femmes ? Si ses failles et ses tocades (et la poisse) exerçaient une telle influence sur le cours de sa vie, comment a-t-il pu écrire des choses autant en avance sur son temps ? Car s’il ne fallait retenir qu’une seule chose de Balzac, c’est la manière totalement neuve qu’il a eu de considérer les femmes dans son oeuvre, comme des êtres humains à part entière et non comme des appendices de leurs maris.
« Mais l’évolution de la langue française rend invisible au lectorat actuel les « fautes » de Balzac, ses tournures incorrectes, ses lourdeurs par rapport au goût de son époque, ce qu’on appelait alors le beau style. Ironiquement, ce qui nous plaît sans doute le plus dans ses livres, c’est précisément ce qu’on lui reprochait, ses formules directes, ses plaisanteries, ses intrigues à rebondissements – Lanson, un autre critique académique, disait « Balzac est déplorablement romanesque » -, tout ce qui contribue à en faire un auteur vivant. »
Je n’avais pas idée de l’accueil extrêmement critique de son oeuvre par ses contemporains, voire de nos jours. En bonne autodidacte, Balzac était pour moi un classique parmi les classiques, partie haute du panier, quand il semblerait qu’on le sous-estime encore très injustement, rarement au programme du bac, cantonné aux classes de collège, etc. C’est regrettable, et lire cet enthousiasmant texte de Titiou Lecoq donne envie de continuer à le faire vivre entre les mains de tonnes de lecteurs.
« Ce que montre Balzac, et qui transparaîtra dans tous ses romans, c’est que l’intime est politique. Il a plus d’un siècle d’avance. »