Un bijou de pureté, un nectar, un essentiel.
26 pages pour prouver que :
L’être humain a des ressources infinies quand il s’accroche à ses rêves,
La poésie est parfois si belle qu’elle permet de supporter le sordide,
L’obscurantisme ne peut venir à bout de la littérature quand celle-ci devient une raison de vivre.
C’est l’histoire (vraie) de Tatiana Gnéditch, enseignante et traductrice russe qui voue sa vie à la poésie élisabéthaine. Tatiana, intellectuelle et d’origine noble est forcément suspecte…Arrêtée pour un motif dérisoire, elle est condamnée à 10 ans de camp. La Seconde guerre mondiale est sur le point de s’achever. « L’homme d’acier » est encore aux manettes du pays à ce moment là…
Dans une cellule du NKVD, elle va traduire le Don Juan de Lord Byron, soit 17000 vers retranscrits sous la forme de 2000 huitains. Elle accomplit d’abord cette prouesse de mémoire, sans avoir ni l’édition de Byron, ni un papier, ni un crayon.
Elle a le sens du beau. Son ancêtre, Nikolaï Gnéditch a autrefois offert à la Russie la plus belle traduction qui soit de l’Iliade.
Son interrogateur, un homme cultivé, finit par lui accorder le matériel minimum. Pendant deux ans, dans cette cellule sordide, elle va s’atteler à ce travail titanesque. La traduction achevée, elle est transférée dans un camp pour y purger le reste de sa peine. Huit ans pendant lesquels, elle garde en permanence avec elle un exemplaire de sa traduction. Elle l’enrichit de multiples corrections.
A sa sortie, la qualité de son travail est saluée par ses pairs. Bientôt, un metteur en scène, Nikolaï Akimov lui propose d’adapter le poème en pièce de théâtre. Le soir de la Première, au Théâtre de la Comédie de Leningrad, les spectateurs, enchantés, réclament « l’auteur »… C’est le triomphe de Tatiana qui a su, par son travail acharné, son amour de la poésie et par sa traduction magnifiée, faire œuvre de création.
Efim Etkind, historien de la littérature, traducteur, dissident (il soutint Soljénitsyne et fut obligé d’émigrer en 1974) rend ici un bel hommage à Tatiana Gnéditch dont l’obstination à défendre la poésie, la culture représente une forme de résistance à l’oppression.
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