critique de "Les trois morts de Georges Politzer", dernier livre de Michel Politzer - onlalu
   
 
 
 
 

Les trois morts de Georges Politzer
Michel Politzer

Flammarion
mars 2013
367 p.  21 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Souvenirs sans mémoire

Comment écrire un livre de souvenirs quand on a perdu la mémoire des neuf premières années de sa vie? il faut toute une vie à tourner autour des visages de Georges et de Maïe Politzer, jusqu’à croire les avoir oubliés, à peindre pour apprivoiser le vide, puis, une série de hasards qui permettent à Michel Politzer de partir à la recherche de ce que furent ses parents, au-delà de leur fonction d’icônes du Parti des Fusillés, lui, abattu au Mont Valérien, elle, morte du typhus en Allemagne. L’élément déclenchant est la réponse retrouvée de Georges au questionnaire auquel le Parti soumettait ses futurs cadres. Où l’on découvre le parcours de ce jeune révolutionnaire hongrois contraint pour fuir la répression de se réfugier en France – sa première mort. Il y poursuit des études de philosophie qui le mènent jusqu’à l’agrégation ; il est alors, dans le bouillonnement des années d’avant-guerre, un intellectuel plein de promesses dont l’oeuvre, déjà, sur Freud, sur Bergson, ne laisse personne indifférent – il l’abandonnera pour devenir un propagandiste zélé de la politique communiste – sa deuxième mort. Puis la guerre, la résistance tout de suite et, très vite, l’arrestation et la mort ultime. Michel Politzer interroge les derniers témoins, et il lui faut se hâter car ni lui ni eux ne sont jeunes, la mort continue de roder, retrouve une partie de sa famille dont on ne lui avait jamais parlé, issue d’un premier mariage de Georges, découvre que le couple mythique de ses parents était sur le point de voler en éclats. C’est un beau livre où Michel Politzer reconstruit cet itinéraire comme il construirait une toile à partir d’éléments disparates qu’il relie les uns aux autres comme il peut, assumant les vides, les blancs, les déchirures. Et son écriture varie, de l’objectivité de l’enquêteur à la liberté du récit; elle atteint la beauté du poème quand il s’approche au plus près de l’indicible.

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