critique de "Notre cher Marcel est mort ce soir", dernier livre de Henri Raczymow - onlalu
   
 
 
 
 

Notre cher Marcel est mort ce soir
Henri Raczymow

Arléa Editions
arlea-poche
octobre 2014
132 p.  8 €
 
 
 
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Proust et la mort

Arléa a eu la bonne idée de publier, dans sa collection de Poches, le livre d’Henri Raczymow, Notre cher Marcel est mort ce soir. Raczymow est un fin connaisseur de Proust auquel il a déjà consacré deux livres – un essai, le Cygne de Proust et un beau livre, le Paris retrouvé de Marcel Proust. Il se penche, cette fois, sur les trois dernières années de Proust. Proust est malade ; il ne sort guère de sa chambre calfeutrée que pour vérifier tel ou tel détail qu’il utilisera dans son oeuvre, multipliant les béquets et autres paperoles que Céleste, la toute fidèle, colle sur les épreuves qu’apporte Gallimard. Au grand désespoir de Gaston, qui voudrait bien qu’un terme fût mis à la Recherche.
Mais comment finir ? Comment en finir avec cette oeuvre à laquelle il consacre toutes ses dernières forces ? Comment croire qu’il suffit d’avoir écrit le mot « fin » pour être délivré de ce qui fait sa vie ? Il y a toujours quelque chose à ajouter. Proust ne se nourrit presque plus, abuse des remèdes, se perd dans les caprices, les ordres et contre-ordres de toute sorte, transforme Céleste en bourrique – mais il sait qu’il peut compter sur elle pour l’accompagner dans cette longue épreuve.
Passent les silhouettes des amis, des anciens amants, de ceux et celles qui croient se reconnaître dans les personnages de la Recherche, s’en réjouissent ou s’en mortifient. « Proust n’a pas dormi.Ses paupières battent très vite comme les ailes d’un papillon de nuit contre une lampe. »
Seule la mort met un terme à ce drame et, de sa propre mort, Proust ne pourra, évidemment, rien dire. Il a déjà écrit la mort de certains de ses personnages « L’écrivain a sans doute besoin de la mort comme de son ennemie, pour se mesurer à elle. C’est pourquoi il la magnifie. C’est pourquoi il se tient de plus en plus, jour après jour, comme étant à l’article de la mort. »Mais la sienne propre est la seule chose qui échappe à l’oeuvre et y met un point final. Jusqu’à son dernier souffle.
Pour ceux qui aiment Proust, pour ceux qui souffrent de la folie d’écrire, le livre de Raczymow ouvre des abîmes insondables.

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