Quelle comédienne peut se vanter d’avoir dansé avec Gene Kelly ET Fred Astaire ? L’an dernier, on célébrait les cinquante ans d’« Un Américain à Paris », le film qui la rendit célèbre, et dont elle reste la seule survivante. Ses mémoires, » Une Française à Hollywood « , nous plongent dans un monde disparu.
Rencontre avec Leslie Caron
Pourquoi avoir attendu si longtemps pour écrire votre autobiographie?
J’ai toujours eu peur de ne pas réussir à tenir la longueur, peur aussi de ne pas trouver le style adéquat. J’ai décidé finalement de faire simple et on verrait bien. J’ai commencé à travailler sur ce livre avec quelqu’un, mais il brodait beaucoup et donne trop dans le mélo à mon goût. Alors, finalement, je me suis dit : « il n’y a que moi qui peux l’écrire ». Et j’ai mis deux ans à le terminer.
Rien ne vous prédestinait à la carrière que vous avez menée. Comment tout cela a-t-il débuté?
Ma famille était très aisée, et s’il n’y avait pas eu la guerre, puis la ruine de mon grand-mère, je n’aurais jamais étudié la danse… Ou du moins, j’aurais dansé comme les jeunes filles de bonne famille. Alors que là, ma mère a compris que c’était un moyen pour moi de gagner ma vie et m’a autorisée à quitter l’école très jeune.
Mais parmi toutes ces petites danseuses, comment avez-vous été repérée ?
Grâce à Roland Petit qui m’a engagée pour sa troupe de ballets des Champs Elysées. J’ai commencé à avoir des petits rôles à 16 ans, notamment avec une amie très douée, mais paresseuse, que l’on surnommait Bichette et qui deviendra célèbre plus tard sous le nom de Brigitte Bardot. Et un soir, Gene Kelly assista à la première de l’un de nos spectacles…
C’est donc lui qui vous a choisie pour être sa partenaire dans « Un Américain à Paris » ?
Il m’a fait passer des essais. Et puis j’ai reçu un coup de téléphone d’Hollywood, me disant : «vous partez dans trois jours ». Ma mère m’a accompagnée, car j’étais mineure. Le film a remporté six oscars. Je réalisais que c’était formidable, mais je ne voulais pas me laisser emporter par le courant.
Vous avez beaucoup travaillé, jusqu’à la rencontre avec votre futur mari, Peter Hall.
C’était un metteur en scène de théâtre anglais. L’homme de ma vie, le père de mes deux enfants. Mais très vite, j’ai été déçue, car il refusait de m’inclure dans sa vie professionnelle. Les Anglais étaient très misogynes à l’époque, et il ne voulait pas que je continue à tourner. Notre mariage à duré sept, huit ans, et puis nous nous sommes quittés.
Qu’avez-vous fait alors ?
Je suis repartie à Hollywood, où je suis tombée amoureuse de Warren Beatty, avec lequel j’ai vécu deux ans. Il était tendre, sensible, c’était un formidable acteur, mais nous vivions dans un tourbillon qui ne me convenait pas.
Avez-vous connu des creux de vague ?
A la fin de la trentaine, oui, j’ai connu une sorte d’essoufflement cela arrive à pas mal d’acteurs. Et puis un beau jour, il y a un projet, même un film obscur qui vous donne envie d’y retourner. Pour moi, ce fut « Valentino » de Ken Russell avec Rudolf Noureev. Et plus tard, « Fatale » de Louis Malle, dans lequel je jouais la mère de Juliette Binoche.
Vous avez fait aussi mille autre chose que du cinéma.
J’ai écrit des romans policiers, j’ai aménagé des maisons. J’ai notamment retapé une auberge, il y a quinze ans, à 130 km de Paris, que je n’ai revendue qu’en septembre dernier. Je m’en occupais et j’y étais tous les jours pour accueillir les clients. Le métier de comédien exige une certaine souplesse, car on ne sait jamais de quoi le lendemain sera fait.
Avez-vous encore des rêves ?
Jouer sur Broadway. J’ai refusé quelques projets, car ils n’étaient pas bons, mais je n’ai pas perdu espoir. J’ai tourné aussi dans « Unité Spéciale », rôle pour lequel j’ai obtenu le prix de la meilleur actrice dramatique dans une série, et ils devraient écrire un nouvel épisode pour moi. Et enfin, j’adorerais habiter New York à nouveau.
Vous souvenez-vous du conseil que votre mère vous a donné lorsque vous êtes partie à Hollywood ?
Fais ce que tu veux, mais surtout n’épouse jamais Mickey Rooney !