Marguerite Bérard nous raconte le siècle d’Assia. Assia c’est son grand-père maternel né en 1903 dans une famille russe, juive, aisée mais sans plus, installée à Rovno, ville de l’ouest de cette Ukraine prise en tenaille entre la Pologne et la Russie révolutionnaire.
De cette famille traditionnelle avec son père autoritaire, de cette situation politique tendue et violente, de cet antisémitisme jamais loin, Assia qui n’avait pas la fibre des études décide de partir à 17 ans pour la Palestine avec l’ambition de construire un pays neuf et d’y réussir.
Il y tombera amoureux, croira le succès arrivé, mais finalement non et il décidera de quitter ce qui ne s’appelle pas encore Israël. C’est la France qu’il choisit où quelques compatriotes exilés comme lui, l’aideront comme ils pourront. Il arrive sans un sous en poche et sans parler la langue. Il a faim, il a froid, mais il s’en sortira. Se fera embaucher, puis rachètera la petite fabrique de bracelets-montres qui l’emploie. Il se marie avec Sima qui vient de Russie. Ils ont un premier enfant et la vie semble leur sourire. Mais être juif et qui plus est, étranger, en France à la fin des années 30 vous destine au pire. Paradoxalement, c’est cela qui va sauver Assia. Ayant conservé un passeport palestinien, il bénéficie de la protection diplomatique des Anglais auxquels les Allemands l’assimilent. Or les Nazis veulent garder des prisonniers anglais comme monnaie d’échange avec les Britanniques et c’est cela qui le sauvera des camps. A la libération il retrouvera sa femme et sa fille qui avaient réussi à se cacher. Il restera en France jusqu’à la fin de sa vie en 1999.
Marguerite Bérard raconte cette vie sans pathos, ni véhémence ou rancoeur. Elle se glisse dans la peau de ce grand père qu’elle a bien connu mais qui parlait peu, pour imaginer ce qu’il a ressenti, pour comprendre combien il est douloureux de quitter sa terre natale qui, elle, ne vous quitte jamais. Un récit aussi simple et précieux que ces petits cailloux que l’on pose sur le chemin de la mémoire pour ne pas se perdre. Pour ne pas oublier qui sont les nôtres, d’où l’on vient et qui l’on est.