La liberté de la presse en question à propos du livre de Laurent Mauduit Main basse sur l’information éditions Don Duichotte Voici un livre dont la presse n’a pas parlé. Pourtant, Laurent Mauduit n’est pas un inconnu, il a fondé Médiapart, avec Edwy Plenel et François Bonnet, il a travaillé à Libération et au Monde ; il est un journaliste spécialiste des questions économiques et, à ce titre, il est régulièrement invité à la radio ou à la télévision. Parmi ses derniers livres, Petits conseils, sur Alain Minc (2007), Sous le Tapie, sur le scandale de l’impunité de l’affairiste (2008), Les Imposteurs de l’économie (2012) – tous ont été chroniqués. Main basse sur l’information, non. Et, de manière paradoxale, c’est bien la preuve de la vérité de ce que Mauduit dénonce : la concentration entre les mains de quelques milliardaires et de leurs complices, affairistes véreux ou politiciens corrompus, de la plus grande partie des moyens d’information – presse écrite et télévision.
Cette situation est connue de tous et elle n’est pas sans conséquences : l’information est soumise aux intérêts de ceux qui possèdent ces journaux, ces radios ou ses chaînes de télévision. Et personne, néanmoins, ne s’en scandalise. Des émissions sont déprogrammées, des thèmes d’investigation sont exclus parce qu’ils jetteraient une lumière gênante sur les activités des propriétaires, des spécialistes qui risqueraient d’être trop critiques ne sont jamais invités. Et l’uniformisation, le formatage des contenus des journaux avancent à grand pas : on le voit sur la question des réfugiés, on le voit sur la complaisance à l’égard de l’extrême droite, on le voit sur les positions prises sur la politique économique qui ressassent le credo du libéralisme financier, on le voit dans le mépris professé à l’égard des intellectuels et de la culture. Nous voilà de retour à l’époque, pas si lointaine, où les journaux étaient sous la coupe du Comité des Forges.
Le Conseil National de la Résistance avait justement voulu rompre avec cet état de fait délétère en garantissant la liberté de la presse et des journalistes et ce sont ces garanties qui volent en éclats depuis quelques années. Il faut suivre la manière dont Mauduit désembrouille l’écheveau complexe des rachats et des ventes de ces différents médias par une poignée d’oligarques et c’est affolant de voir l’information tomber ainsi dans l’escarcelle de gens dont elle est bien le dernier des soucis, tout occupés qu’ils sont à vendre aux annonceurs, comme l’avait dit, en 2004, avec un cynisme totalement déroutant, Patrick Le Lay, « du temps de cerveau disponible ». Plus encore, cette situation est révélatrice de la dérive de la vie politique française. Une refondation de la presse, pour garantir son indépendance et son pluralisme a très peu de chances d’aboutir dans notre pays, si elle ne va pas de pair avec une refondation de toute notre démocratie. »(p.420) Le livre de Mauduit vient à la suite d’une longue série de livres qui critiquaient les défauts de la presse et des médias, (Les nouveaux chiens de garde de Serge Halimi, parmi d’autres) il est le premier à donner une démonstration aussi rigoureuse de leur fonctionnement actuel.