Rocks Off : L'histoire des Rolling Stones en 50 titres
Bill Janovitz

Rivages
septembre 2015
388 p.  22 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Les Stones en 50 tubes

Biographies non autorisées, autobiographies, chroniques de tournées, albums photo… les Rolling Stones restent, aussi, un phénomène d’édition. 50 ans de carrière, 9 albums originaux et 2000 concerts à décortiquer, sans négliger leurs amours et leurs frasques : la matière est riche. Pour l’attaquer, le chroniqueur américain Bill Janovitz a trouvé un angle inédit, apportant à cet édifice souvent hagiographique une pierre ciselée avec autant de distance critique que de passion. Dans les 400 pages de « Rocks off », il retrace l’histoire du groupe au travers de 50 chansons, choisies comme autant d’étapes significatives dans le parcours du « plus grand groupe de rock du monde ».

De « Tell me » (1964) à « Plundered my soul » (écrit en 1971, sorti en 2010), il raconte en journaliste ces 50 tubes (ou presque) qu’il a écoutés en musicien, lui qui a chanté et tenu la guitare au sein d’un petit groupe de Boston, les Buffalo Tom. Il a aussi digéré une masse de livres, d’interviews et de documentaires pour reconstituer le contexte dans lequel les a écrites et composées le duo Jagger-Richards, alias les « Glimmer Twins ». Ne négligeant rien de ce qui a pu influer sur le style, la couleur, la complexité des morceaux : les modes du moment, l’environnement social, bien sûr, mais aussi les relations au sein du groupe, les rencontres, les femmes et les drogues…

Bill Janovitz est allé jusqu’à traquer les petits ratés, batteur à contretemps ou bassiste en retard, ces « pains » que les Stones préféraient conserver sur leurs albums plutôt que perdre une bonne prise « live », eux qui n’ont jamais goûté les bidouillages numériques en studio. Il prend plaisir aussi à détailler les trouvailles pas toujours orthodoxes qui ont contribué à la sonorité unique du groupe. Cette façon particulière d’accorder les guitares pour Keith Richards, ce style resté marqué par le jazz pour Charlie Watts, mais aussi ces amplis poussés jusqu’à la surchauffe et ces magnétophones amateurs pour sonner comme les pionniers du blues et de la soul.

« Rocks off » lui-même n’est pas sans petites faiblesses, parfois trop jargonnant ou versant dans le people. De menus écarts vite pardonnés, tant l’auteur met de coeur à l’ouvrage et tant son prisme est éclairant. Ces 50 morceaux sont issus d’autant de processus créatifs différents, du plus limpide au plus chaotique, certains conçus à deux et enregistrés dans la foulée, d’autres écrits en kit et mis en boîte par épisodes. Le livre remet à leur juste place la légende que certains ont nourrie, de « Satisfaction » que Keith aurait écrit en dormant (en fait, il s’est réveillé puis rendormi) ou « Angie » que Mick Jagger aurait dédié à l’épouse convoitée de David Bowie (en fait écrit par Keith pour sa fille Angela). Bill Janovitz rétablit quelques vérités mais avec une telle passion qu’aucune ne nuit au mythe.

 

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coup de coeur

Passionnant à plus d’un « titre »

Comment devenir fan à 40 ans passés ! Bill Janovitz couvre l’histoire de ce groupe mythique que sont les Rolling Stones à travers 50 chansons dont les choix sont forcément arbitraires de la part d’un fan conscient des failles et des faiblesses de ses idoles. La première prouesse de Bill Janovitz est de dresser un portrait sans concession du groupe, de chacun de ses membres, passé, présent, mort ou vivant. Les Rolling Stones est un groupe polymorphe par excellence dont le quadriumvirat actuel n’est pas la colonne vertébrale initiale. De Brian Jones (viré et décédé) à Mick Taylor (parti) en passant par Ron Wood (intégré dans les années 1990), chaque départ ou chaque arrivée à apporté ou enlevé quelque chose au groupe, positivement ou négativement. Ils rendent également compte des errements musicaux traversés par le groupe pendant plus de 50 ans, une longévité inégalée… Quand certains parviennent à décortiquer les textes pour en retirer la substantifique moelle, Bill Janovitz, et c’est sa deuxième prouesse, maîtrise également la dissection des partitions musicales et la signification de chaque instrument utilisé et de la façon dont il est utilisé. A travers cette méthode d’analyse, Bill Janovitz arrive donc à rendre compte des évolutions majeures de style des Rolling Stones. La succession de textes de Bill Janovitz rend admirablement compte d’une double profusion dans l’œuvre musicale des Rolling Stones. Elle provient d’abord de la multitude des influences musicales qui entourent les Rolling Stones à commencer par le R&B avant même le rock, influiences qui ont fait des Rolling Stones d’abord un groupe de reprises avant de créer leurs propres textes et musiques. Elle provient ensuite de la multitude d’instruments utilisés au fil du temps par les Rolling Stones d’abord et par leurs assistants ou invités sur les albums ensuite. Ces profusions d’influence et d’instruments alliées au travail parcellaire d’enregistrement en studio où les morceaux sont enregistrés piste par piste, instrument par instrument, voix et instruments à part interpelle le lecteur sur, d’une part, la « véracité » d’un LP ou d’un CD et, d’autre part, sur la prouesse et le talent nécessaires pour livrer aux fans des concerts live qui doivent être aussi proches des versions des disques qu’éloignées pour pouvoir proposer quelque chose de nouveau tout en ne disposant pas de la possibilité de reprendre et de retoucher des pistes éparses. Enfin, et c’est la troisième prouesse de Bill Janovitz, ce livre rend hommage à tous les membres, officiels ou non, des Rolling Stones. Les Rolling Stones ne seraient rien sans Mick, Keith, Charlie et Ronnie (ni accessoirement Bill, Brian et Mick, l’autre) mais ils ne seraient eux-même rien sans une ribambelle de percussionnistes, guitaristes, pianistes, producteurs présents et intervenants sur les différents albums. Je ne peux vous donner que trois conseils : • Préparer une playliste des 50 morceaux évoqués • Lire ce livre en écoutant cette playliste pour pouvoir vous arrêter sur les points techniques abordés par Bill Janovitz • Aller faire un tour sur le site de Docteur Stones

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