Les célébrations du centenaire de Roland Barthes vont bientôt s’achever. On va passer à quelqu’un d’autre. C’est la loi du genre. Mais cela a été l’occasion de lire quelques bons livres : la biographie de Tiphaine Samoyaut est un modèle du genre (Roland Barthes, Seuil) ; l’album réuni par Eric Marty contient des éléments intéressants et beaucoup de fonds de tiroir. J’aime tout particulièrement le Pour Roland Barthes que Chantal Thomas a publié au Seuil, dans la collections Fictions&Cie – comme il n’y a aucune fiction dans ce recueil d’articles, je suppose qu’on doit le ranger dans le &Cie – ce qui n’aurait sans doute pas déplu à Roland Barthes.
Chantal Thomas a fait partie du Séminaire de la rue Tournon, dans les années 70. Elle raconte avec beaucoup d’humour comment elle eut l’audace de téléphoner à Barthes pour lui demander de faire partie du cénacle – scène terriblement vintage de cet échange troublé par la conversation tonitruante en provenance de la cabine d’à côté -. Et comment elle a été d’emblée séduite par le Roland Barthes enseignant, par sa « diction claire, calme, mélodieuse »; par le côté zen de son discours, si loin des préoccupations universitaires et carriéristes de la Sorbonne voisine ; par la manière qu’il avait de penser avec liberté et rigueur. Séduite aussi par l’image que Roland Barthes donnait de « celui qui écrit », avec ses heurs et ses malheurs, par le désir qu’il faisait naître chez ceux qui l’écoutaient, et tout spécialement la jeune étudiante qu’elle était, d’écrire aussi.
Mais elle est assez lucide pour reconnaître ceci qui en a rebuté plus d’un qui se sont tenus éloignés de Barthes : « mon apprentissage en langue barthésienne n’allait pas dans le sens d’un affûtage de l’esprit critique. »
Reste, la fascination passée, l’aventure d’une approche d’un des esprits les plus atypiques et les plus jeunes du XX° siècle.
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