La rédaction l'a lu
Et vous, vous relisez quoi en ce moment ?Dans le domaine des idées, Laure Murat est un modèle : brillante, humaniste, elle possède en outre un remarquable talent de conteuse. Qu’elle fasse revivre la maison du Docteur Blanche, clinique des écrivains du 19e siècle, ou qu’elle explore les librairies parisiennes d’Adrienne Monnier et de Sylvia Beach entre les deux guerres, son enthousiasme est contagieux. C’est encore le cas dans cet essai où elle enquête sur une pratique dont nous avons tous fait l’expérience au moins une fois : la relecture. Pourquoi garder nos livres sinon pour potentiellement les relire un jour ? D’ailleurs pourquoi relire quand chaque semaine, les librairies croulent sous le poids des nouveautés ? La relecture serait une activité à contre-courant (réactionnaire ?), une prise de distance avec son époque, requérant du temps, une disponibilité de l’esprit, bref un luxe ! Trêve de conjectures, Laure Murat a envoyé un questionnaire sur le sujet à deux cents écrivains (on peut aussi se prêter au jeu car il est reproduit à la fin du livre). La moitié d’entre eux ont accepté de livrer leurs habitudes et leurs secrets de lecteurs, leurs listes de livres fétiches, lus et relus, ou pas lus du tout, et de réfléchir à leur double statut de lecteurs et d’écrivains. Ces introspections sont passionnées, touchantes et étonnantes. Et au jeu de qui relit quoi, on est souvent surpris : La Petite maison dans la prairie côtoie Don Quichotte, Enid Blyton voisine avec Virginia Woolf, et Platon dialogue avec Balzac. En analysant ces réponses, l’essayiste conclut que la relecture est bien un exercice intemporel : on aime à s’identifier à certains héros, à se retrouver dans des situations fantasmées, mais on ne relit jamais le même livre, car on change en permanence, d’où un plaisir augmenté ou au contraire de grandes déceptions. Néanmoins, on est rarement déçu avec Proust, Flaubert et Montaigne, trio de tête des auteurs les plus relus, le « cas Proust » faisant l’objet d’un chapitre à lui seul : picoré ou savouré, il éblouit, bouleverse, fascine, et plus on le lit, plus il appelle d’autres relectures… La Recherche, toute une histoire ! Pour poursuivre cette démarche curieuse et réjouissante, je vous invite à lire Flaubert à la Motte-Picquet, petit essai cartographique des écrivains qui voyagent dans le métro où Laure Murat s’est penchée par-dessus l’épaule de ses voisins pour recenser leurs lectures. Encore une fois, qui ne l’a jamais fait ? La preuve en photos sur o n l a v u l i r e… |
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