D’emblée on est impressionné par le destin de cet ancien de la France Libre, haut fonctionnaire, et historien de la France Combattante. Jean-Louis Crémieux-Brilhac qui répugnait à écrire ses mémoires, avait fini par s’y atteler. Mais le 8 avril 2015, il meurt sans avoir eu le temps de les achever. Ce qui est publié sous le titre L’étrange victoire est le récit inachevé de cette vie extraordinairement remplie. Né dans une famille juive dans le Comtat Venaissin, ardemment républicaine, il vient d’achever sa préparation d’élève-officier à Saint-Cyr quand la guerre éclate. En juin 1940, il est fait prisonnier par les Allemands sur la Marne puis expédié dans un camp d’officiers prisonniers en Poméranie. Il s’en évade pour tomber aux mains des soviétiques, alors alliés des nazis, qui le soupçonnent d’être un espion. Puis, au prix d’une incroyable odyssée, il parvient à Londres. Promu sous-lieutenant, Jean-Louis Crémieux prend le nom de guerre de Brilhac. Il devient officier de liaison de la France libre à la BBC. Il a 27 ans. Tous les mois, il rédige un bulletin à l’intention de Rex, le chef de la Délégation générale clandestine. Sans savoir qu’il s’agit de Jean Moulin. Le jour du débarquement, c’est à lui que revient l’honneur de rédiger les messages de la BBC, à l’intention de l’opinion française. De cette période dont il est si fier, lui restera un regret, celui de ne pas avoir connu la clandestinité. Il aurait dû en effet être parachuté sur le maquis de l’Ain, à l’été 1944, avec deux officiers, l’un américain et l’autre anglais. L’Anglais ne s’est pas présenté à l’heure, et le rendez-vous est manqué, ce qui ne l’empêchera pas de participer à la Libération de son pays.