Jan Tomasz Gross est né à Varsovie en 1947, il ne quitte la Pologne qu’en 1969, pour devenir un historien universitaire aux Etats-Unis. Son livre « Les voisins« , consacré au Pogrom du 10 juillet 1941 dans le village de Jedwabne, a été au centre d’une polémique gigantesque à sa sortie (ou plutôt, comme l’indique Wikipedia, d’un « vigoureux débat »). Il y démontre clairement que c’est bien la population polonaise de Jedwabne qui a massacré ses voisins juifs (qui représentaient 30 % de la population totale) – et non les allemands – et il tente de mettre au jour les raisons de cet acte fou et barbare. L’antisémitisme polonais, au-delà d’être atavique et ancestral (des curés en chaire qui alertent sur « les juifs pour leur Pessah qui utilisent le sang d’enfants catholiques » ??!!), ne peut à lui seul « expliquer » que des paysans se retournent ainsi contre leurs voisins. Il parvient à bien faire ressentir la cupidité, l’effet d’entraînement d’un mouvement de foule, le double sentiment victime-bourreau, la terreur des « Russkofs » et par balance l’accueil positif des Allemands. Avec des extraits de témoignages et des citations (le tout très documenté et référencé), il montre à voir concrètement le : « Ils ne nous pardonneront jamais le mal qu’ils nous ont fait« , et combien même les (rares) polonais qui ont aidé (caché, sauvé) des juifs avaient une terreur extrême que ça se sache, même après la guerre. C’est absolument terrible à lire, et pourtant, comment faire l’impasse ? Comme il l’explique (de manière parfaite, je trouve) dans l’extrait de préface que je cite en entrée de billet, ce n’est qu’en travaillant sur la réalité de ce qui s’est passé qu’on parviendra à avancer. En 2006, il a consacré un livre aux évènements de 1968 et a encore une fois été fortement controversé. Cette fois, pourtant, les faits ne sont pas niés, seule leur interprétation a été contestée. Il faut dire que Jan Tomsz Gross n’utilise pas de langue de bois, et n’hésite jamais à donner son sentiment profond. Courageux.