Fondateur du journal Le Crapouillot, interdit en 1939, Jean Galtier-Boissière, réduit à l’inactivité, bout en secret pendant quatre ans. A l’affût de la moindre information, il note dans son journal intime ce qu’il apprend en écoutant la BBC ou Radio Paris. Quand il n’est pas pendu au poste de radio dans son appartement 3 place de la Sorbonne, il arpente les rues de Paris, effaré par les queues devant les magasins aux vitrines vides. Au passage, il remarque les terrasses bondées par des Allemands « accompagnés de femmes blondes, élégamment habillées, qui semblent partir pour quelque plage à la mode ».
Pacifiste mais germanophobe, écœuré par les retournements de veste, il déjeune avec ses amis journalistes ou dîne avec le Tout Paris des lettres, relève les bobards et les bons mots, repère les nouveaux riches du marché noir, et en profite pour dénoncer les intellectuels compromis dans la collaboration. Rien n’échappe à sa vigilance: ni les premiers fusillés, ni les persécutions des juifs, ni les arrestations des résistants. Aux premières loges, le regard affûté, il ne cache ni ses doutes ni ses colères, et trempe sa plume dans l’acide pour le plus grand bonheur du lecteur, décrivant les comportements de ses contemporains, parfois glorieux, souvent minables, pendant les années noires de l’Occupation. Un témoignage précieux.