« Je suis une journaliste jouant à l’historienne et essayant, ensuite, de transformer ce que j’ai trouvé en roman. » Cette profession de foi illustre de manière très précise la démarche de Kate Summerscale. Après avoir évoqué la naissance du roman policier avec « L’affaire du Road hill house », la voici établissant des parallèles entre Emma Bovary et cette pauvre Isabella Robinson qui paya ses fantasmes au prix fort. L’histoire se situe au milieu du 19e siècle. A l’époque, pas ou peu de salut pour une femme en dehors du mariage. Jeune veuve avec un enfant, Isabella épouse, faute de parti plus attrayant, Henry Robinson, un ingénieur triste, ennuyeux, radin, bref un homme à tromper. Ce qu’elle fera brièvement, mais l’adultère, c’est surtout en pensées qu’elle va le commettre, pensées dont elle remplit son journal intime. Alors qu’elle est malade, Henry lui pique son journal, l’ouvre, découvre à quel point sa femme le méprise et demande le divorce. A l’époque, on s’en doute, ce n’est pas une mince affaire, et le procès va être retentissant. A travers ce fait banal, Kate Summerscale explore la société victorienne, avec un accent tout particulier sur la déplorable condition féminine. Se transformant en détective de l’Histoire, elle signe un livre aussi bluffant que le précédent.
Article paru dans ELLE