La rédaction l'a lu
Revivre Mai 68Nous sommes en 1967 et Madeleine a dix-huit ans. Le bac en poche, elle est venue s’installer dans une chambre de bonne, sous les toits, avec vue sur Montmartre et les toits du Sacré-Cœur. Elle s’émancipe : de ses parents, de Courbevoie, la banlieue où elle habite depuis l’enfance, de ses habitudes d’adolescente, aussi. Elle écrit, surtout : un journal intime dans lequel elle partage ses réflexions, ses émotions, n’ayant pas peur de veiller tard le soir, signant, après chaque journée relatée, « MM », les « initiales du bonheur ». Au départ, elle voit sa vie en rose, doit gérer sa nouvelle liberté, puisqu’à la faculté, les professeurs ne vérifient même plus les devoirs dans les amphithéâtres bondés. La licence de lettres lui permet d’affirmer son goût pour les poèmes, retranscrivant dans son carnet ceux qui la font particulièrement vibrer. Bientôt, l’hiver s’engouffre à Paris et avec lui, la jeune fille sèche déjà les cours, travaille moins, préfère lire, écrire, jouer au théâtre, sortir dans les bars et flirter avec Jean, son nouvel amoureux breton. Mais la vie de Madeleine n’est exaltante que parce que les événements politiques sillonnent son quotidien : la jeune étudiante évoque les mouvements de mai 68, qui débutent en début d’année, y prend part contre l’avis de ses parents, inquiets pour elle. Avec enthousiasme, spontanéité, l’héroïne anticonformiste fait revivre cette époque, en se rebellant contre la condition féminine – à travers la figure de sa mère, femme au foyer -, en exaltant la liberté d’opinion, n’hésitant pas à rejoindre des groupes de parole et à manifester bruyamment. Elle dit ce souffle de liberté qui parcourt la faculté, cette solidarité formidable entre les étudiants, ne tait pas pour autant les violences et les morts. Pour comprendre ces événements, on ne peut se passer des dates : les notes de bas de page, les affiches en noir et blanc à l’intérieur du roman, le dossier documentaire à la fin permettent d’affiner ses connaissances sans alourdir la lecture. Dans un langage typiquement adolescent mais jamais cliché, Adeline Regnault ressuscite à sa façon cette période incontournable de l’histoire ; en s’adressant à des adolescents d’aujourd’hui, qui ne connaissent les mouvements de mai 68 qu’à la lecture des livres de cours, elle fabrique un pont entre deux générations qui peuvent parfaitement se comprendre.
En bonus, la playlist de Madeleine, à écouter ici |
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