Bravant la nature, le vieux sage Daniel fait un enfant à sa jeune femme avant de mourir. Hâsib Karim Ad-Dîn et sa mère vivent de peu. En accord avec les dernières volontés paternelles, Hâsib reçoit cependant la meilleure éducation possible. Jouvenceau sans grandes ambitions, il part en forêt pour exercer l’humble métier de bûcheron. Après avoir découvert un trésor, le candide Hâsib est victime de la cupidité de ses collègues sylvestres. Pris au piège, enfermé au fond d’un souterrain, dans une complète obscurité, il maudit le ciel avant qu’un scorpion magique et phosphorescent ne lui indique une issue de secours. Trop heureux de s’échapper, Hâsib ne prend pas garde et débarque dans la chambre sacrée de la reine des serpents. Beaucoup plus accueillante qu’une simple couleuvre, cette dernière écoute la mésaventure du pauvre Hâsib avant de prendre la parole. Commence alors la 485ème nuit.
David B. vient de l’édition indépendante. Membre fondateur de l’Association, la maison d’édition phare des années 90, il a renouvelé le genre de l’autobiographie en bande dessinée avec l’Ascension du Haut-mal. Au Moyen Âge, le haut-mal désigne l’épilepsie, la maladie dont souffre son frère aîné. Depuis ce long récit en six tomes (1996-2003), plein de tendresse et de noirceur, ses multiples œuvres se teintent d’onirisme et d’aventure, un style illustrant à merveille ce conte extrait des Mille et une nuits.
D’ailleurs, Shéhérazade intervient dès la première page. En effet, ce livre renouvelle le principe de la mise en abyme, dans lequel un personnage prend la parole pour narrer les aventures d’un autre personnage, etc. jusqu’à la fin du tome 2. Entretemps, ce premier volume nous rappelle à quel point David B. maîtrise le neuvième art. À la page 34, un savant à la tête gonflée d’une immense bibliothèque révèle à la fois la Connaissance et la virtuosité de l’auteur. Dans un autre registre, la longue chevelure noire de la reine des serpents, tachée de reflets bleus, est soignée à chacune de ses apparitions. De là à penser que David B. est un bibliophile qui apprécie les femmes aux cheveux longs…
Hâsib et la reine des serpents se situe à la frontière entre le roman graphique, avec un sujet quasi philosophique, et l’ouvrage pour enfants, tant certaines pages sont réalisées avec minutie et agrémentées de couleurs chatoyantes. Avec David B. le fantastique émerveille.