Il y a des romans déconseillés aux adolescents : la brutalité des propos, les scènes violentes peuvent déstabiliser, voire choquer et faire naître des angoisses. Et dans ce premier livre destiné aux « jeunes adultes », Angie Thomas ne mâche pas ses mots, retranscrivant avec une fidélité désarmante, le quotidien des jeunes Noirs américains, univers fait de guerres de gangs, de racisme, de drogue et de violences policières. Mais au-delà de la rudesse du sujet, il y a cette voix, portée par l’héroïne, synonyme d’espoir et de jours meilleurs.
Ainsi, Starr n’a que seize ans lorsqu’elle voit de ses propres yeux son meilleur ami Khalil se faire descendre par un flic en colère, lors d’un simple contrôle, après une soirée de fête. Unique témoin de la scène, la jeune fille s’enferme d’abord dans sa colère et son immense chagrin, d’autant plus que ce meurtre lui rappelle de manière lancinante celui de sa meilleure amie, tuée sous ses yeux, six ans auparavant. Peu à peu, elle parvient à prendre du recul, non sans difficulté puisqu’elle vit tiraillée entre une bonne éducation – elle va au lycée blanc dans une banlieue aisée et chic – et son quotidien violent et destructeur. Elle tente malgré tout de se faire entendre, de faire la part des choses, face aux pressions des gangs, des policiers, mais aussi de celles de ses camarades de classe, tous blancs.
Inspiré du mouvement Black Lives Matter (mouvement afro-américain qui se mobilise contre la violence ainsi que le racisme systémique envers les Noirs), ce roman passionnant se veut militant mais il raconte aussi une histoire : celle d’une jeune fille en proie à la solitude la plus totale, alors qu’elle n’est encore qu’une adolescente, et auquel le lecteur pourra facilement s’identifier. Passionnée du Prince de Bel-Air, elle collectionne les paires de Baskets, aime apprendre, mais aussi sortir et séduire les garçons : en somme, une adolescente comme tant d’autres, qui désire seulement vivre sa vie, suivre le chemin qu’elle s’est tracée, sans la peur au ventre de se faire maltraiter ou tuer. Basé sur la propre vie d’Angie Thomas, qui a, elle aussi, observé, subi des violences, ce récit initiatique, sorte de cri dans la nuit opaque et noire, bouleverse toutes les générations.
* Publié il y a plus d’un ans aux Etats-Unis, THUG est parmi les meilleures ventes de romans « Young adult »du New York Times, avec un demi-million d’exemplaires vendus. Une adaptation au cinéma est prévue prochainement.