Parce qu’elle lui racontait l’histoire de la carpe que toutes les familles polonaises mettaient chaque année dans leur baignoire, Sylvain Savoia, enchanté par l’angle de vue de sa compagne Marzena Sowa, l’a pressée de lui en raconter encore : c’était comment, quand elle était petite, sa vie en Pologne ? Et parce que Marzena avait beaucoup d’autres anecdotes, Marzi est née. Initialement publiées dans le journal « Spirou« , ces planches à quatre mains ont été retravaillées (enrichies) pour la parution en intégrale, et c’est un bonheur. L’hiver, les enfants jouent sur les paliers de la tour d’HLM : ils jouent « au pape », par exemple. La descente d’avion, le baiser au sol, le « peuple » qui acclame… Ils jouent aussi bien sûr « aux sonnettes », et ils s’interrogent, au moment de lister leur péchés pour la première communion (moment solennel d’une grande importance dans leurs vies) :
« – Tu crois que Dieu nous pardonnera ? Vingt péchés, c’est beaucoup…
– Si tu les regrettes et promets de jamais en refaire, c’est gagné.
– Ne plus jamais jouer aux sonnettes ?!
– Tu veux qu’il te pardonne ou pas ?
– Oui, mais oh ! qu’est-ce qu’on va faire maintenant ?
– Je sais pas… En fait, maman a dit qu’on peut refaire les mêmes péchés… Mais à chaque fois, il faut regretter, je crois…«
Malgré son très jeune âge, la petite Mazi perçoit parfaitement que les adultes lui cachent nombre de choses, et au quotidien déjà si difficile (les queues à faire partout, l’arrivage parcimonieux des produits divers) s’ajoutent des évènements qui lui restent obscurs (Tchernobyl, l’état de guerre pendant 586 jours, entre autres) mais qui affectent directement sa vie (très jolis passages sur la protestation muette). Côté familial, on ressent l’attachement féroce envers son père et la relation bien plus difficile à sa mère (euphémisme). L’ensemble forme un tout très agréable, je lirai le deuxième tome !