On parle aujourd’hui d’immigration avec des chiffres et des pourcentages ; on évoque le cas des réfugiés à la manière de sociologues, de mathématiciens. On y ajoute des adjectifs péjoratifs, angoissants, inquiétants. On qualifie la situation d’urgente, d’alarmante, même. On parle frontières, mers, économie, travail, intégration. Les médias nous pulvérisent de reportages sombres. Nos esprits sont hantés par des images : des groupes, parqués sur des bateaux minuscules, transis de froid. Des masses informes, toujours en bande, qui se déplacent, comme à bout de force. Rarement dans nos têtes ne résonnent des prénoms, rarement ne se forment des visages humains…
Dans ce recueil regroupant cinq romans, ce sont des voix d’enfants qui s’élèvent pour raconter le pire. À douze ans seulement, Reem a fui Alep en Syrie, avec sa famille. Elle échappe aux ruines, mais tente à tout prix de se souvenir de sa ville natale avant le chaos. À bord du zodiac qui la conduit aux portes de l’Europe, semblant d’Eldorado, elle s’accroche à la vie. Antonio, lui, a quitté l’Espagne de Franco avec sa mère et sa sœur pour retrouver son père en France. Déplacé, déraciné, il ne rêve que de Barcelone et de ses origines… Mais bientôt, la guerre en France les rattrape : sa famille s’engage alors dans la résistance, pour un idéal plus grand qu’eux, qui fait naître l’espoir. Quant à Leïla, elle vit entre deux pays, l’Algérie, dont elle s’est échappée en 1963, et la France. Difficile de se faire des amies, difficile de s’adapter. Rien n’est pareil, et l’on se moque souvent d’elle. Enfin, il y a Thien Ân, qui a fui le régime Vietnamien, Adama, qui a quitté le Mali, Lyuba, la Roumanie…
Armée de sa plus belle plume, Valentine Goby combat l’indifférence et l’intolérance, en racontant les histoires de ces enfants courageux et attachants. Six récits lumineux, crevant d’émotion et de justesse. Et si ses jeunes héros ne quittent plus la France, n’en repartent plus, sa langue nous fait pourtant voyager à travers le monde : ses récits ont un goût d’épices, une odeur sucrée d’orangers en fleurs. Chacun à leur tour, ces jeunes nous entraînent dans leur périple et le lecteur a accès à leurs pensées les plus tristes, images les plus sombres de leur inexorable sentiment d’exil. Mais pas à pas, ils s’habituent à leur nouvelle vie, et les sourires remplacent les larmes et la peur ; progressivement, ils deviennent Français sans que leur cœur n’oublie tout à fait le pays où ils sont nés. Ils sont d’ici et d’ailleurs, réfugiés partis pour une vie meilleure, loin de la guerre, de la misère et des privations. Bien souvent, ce sont eux qui guident leurs parents, pour eux qu’une mère et un père se raccrochent à une mince lueur d’espoir : pour leur offrir un logement, des études, une vie confortable, pour qu’ils se sentent bien dans ce pays qui les accueille mais qui est loin de les retenir encore. Tentant de se sentir pleinement chez eux, ces enfants symbolisent leurs rêves, leur liberté, leur lumière, leur avenir. Et pour aider le jeune lecteur à se repérer dans des périodes historiques parfois complexes, un dossier pédagogique accompagne chaque récit. La France s’est construire grâce à l’immigration : l’auteur nous rappelle en sourdine de ne surtout pas l’oublier.