Enfant, on imagine souvent que nos parents et grands-parents ont vécu de grandes choses, qu’ils ont été des héros. Jamais qu’ils ont pu être insolents, délinquants, agressifs ou même violents. Et en littérature jeunesse, rares sont les écrivains qui brossent le portrait de véritables cancres. « J’ai toujours été un mauvais garçon » : cette confidence, c’est celle que fait pourtant un grand-père, né en 1943, à son petit-fils. Aveu profond, qui mérite de faire le récit de sa propre vie. Il lui raconte alors que jeune garçon, attiré par le risque et le goût du danger, il multiplie les bêtises. Il déteste apprendre et manque souvent l’école, sauf les cours de musique de Mademoiselle West, la seule qui lui fait entièrement confiance. « Mauvais garçon », « petit voyou », telles sont les seules paroles des professeurs, des voisins et de sa propre mère, à son égard. Sans père à la maison, élevé dans une famille nombreuse, il ne tarde pas à sombrer et devient catalogué, étiqueté. Une effroyable réputation le poursuit. Et puis c’est un vol avec effraction, l’arrestation, le tribunal, et la punition ultime : une maison de redressement. Loin de sa famille et renié par sa mère, enfermé avec d’autres, et sous la surveillance acharnée des gardiens, il va alors connaître le pire pour un adolescent : le travail forcé, les brimades et les mauvais traitements. Mais c’est au cœur de sa prison, qu’il fait la connaissance de Monsieur Alfie, un vieil homme, éleveur de chevaux. Ce dernier l’engage pour l’aider et panser ses Suffolk, bêtes extraordinaires auxquelles le narrateur s’attache rapidement, en particulier Dombey, un cheval farouche et solitaire, au regard triste.
Dans ce récit rétrospectif, intimiste et sensible, Michael Morpurgo, écrivain jeunesse de la littérature anglo-saxonne, continue d’explorer ces sujets qui lui tiennent à cœur : le parcours chaotique d’une vie, le remords, le pardon, l’amitié inaltérable pour un animal dans un contexte difficile, celui de l’après-guerre. On assiste à la fascinante métamorphose d’un adolescent en grave échec scolaire, à son expiation au contact d’un animal qui l’aide à retrouver confiance en lui. L’auteur ouvre une page méconnue de l’histoire, celle de l’ouverture des maisons de corrections pour mineurs dans l’Angleterre de la fin du 19e siècle. Derrière les barreaux de ces prisons, dont le seul mérite était d’offrir une seconde chance, les jeunes, séparés des prisonniers adultes, avaient la vie dure. Si l’auteur n’épargne pas le jeune lecteur, il parvient à lui faire prendre conscience de l’importance du sens que l’on donne à son existence. Et les illustrations de Michael Foreman, d’une intensité rare, ressuscitent sans effort l’éclat des couleurs du passé.