« Sacrées sorcières » de Roald Dahl a été l’un de ses livres favoris même si elle avoue avoir été terrifiée par ces héroïnes de papier : dans cette adaptation en bande dessinée, Pénélope Bagieu entraîne le lecteur au cœur d’un thriller palpitant à hauteur d’enfant.
À première vue, l’histoire n’a pas pris une ride : à huit ans, un petit garçon devenu orphelin découvre l’existence des sorcières, des femmes « comme tout le monde », grâce à sa grand-mère qui en a autrefois, fait les frais. Dubitatif au début, il ne tarde pas à la croire. C’est à l’occasion d’un séjour dans un grand hôtel d’une station balnéaire qu’il prend conscience de l’affreuse réalité. Regroupées dans une société pour la protection de l’enfance persécutée, plus d’une centaine de sorcières se sont donnés rendez-vous pour écouter la célèbre « Grandissime », la plus maléfique d’entre elles. Et le plan diabolique reste le même : exterminer les enfants, un à un, parce qu’ils « puent », et qu’elles les détestent. Il leur faut donc transformer tous les enfants d’Angleterre en souris… grâce à une potion magique bien entendu.
Dans cette aventure à suspens, le héros d’origine est rejoint par une fillette espiègle et intelligente. À eux deux, ils forment un duo infaillible. Le personnage de la grand-mère est toujours présent, mais l’autrice l’a quelque peu transformée : c’est une vieille dame à cheveux colorés et vêtements léopards, qui fume des cigares et vit très bien toute seule, à l’image d’une célibataire endurcie particulièrement excentrique… Les sorcières de Pénélope Bagieu ressemblent bien à des femmes que l’on peut croiser dans la rue. À quelques détails près : elles portent des gants – pour cacher leurs ongles crochus-, une perruque – pour cacher leur crâne nu -, et des chaussures à talons hauts et bouts pointus, puisque, c’est bien connu, leurs pieds sont plus petits que ceux des humains…
À la fin du XXème siècle, Roald Dahl n’épargnait déjà pas les jeunes lecteurs : les sorcières étaient effrayantes, et l’on se demandait jusqu’au bout, si toute cette histoire allait bien finir… Des années plus tard, Pénélope Bagieu mêle crainte et comique, des émotions à priori contradictoires, mais qui, on le découvre et on s’en réjouit, n‘en sont pas : elle garde le fantastique mais s’empare des dialogues ; teintés d’humour et de provocation, ils apportent une touche résolument moderne et féministe. On adore donc : la liberté de ton de Pénélope Bagieu, ses illustrations aux couleurs vives, éclatantes, les rebondissements successifs, le personnage de la grand-mère, haut en couleurs – l’autrice confie s’être inspirée de sa propre aïeule -, et qui, on pourrait s’y méprendre, ressemble étrangement… à une sorcière !