Paule a huit ans. Elle vit en Indochine avec sa famille. Nous sommes en 1931, et l’enfant, enfermée dans la maison à cause de la chaleur écrasante, imagine qu’un tigre est tapi dans le jardin. Elle entraîne parfois sa petite sœur dans ses escapades, mais c’est surtout seule qu’elle s’échappe à l’heure de la sieste, puisque sa mère, craintive, empêche ses enfants de sortir. Espiègle, vive, déterminée, Paule a pourtant peur, surtout la nuit. Elle craint les ma qui, les fantômes vietnamiens qui viendraient la réveiller dans son sommeil. Surtout son frère ainé, Xavier, mort à douze ans de la poliomyélite et dont elle s’est moquée juste avant sa mort… Alors, pour se libérer de ses angoisses, Paule convoque le tigre, ou file avec Olga, sa meilleure amie imaginaire, qui apparaît seulement quand elle le souhaite.
Le tigre, son animal porte-bonheur, la console et la rassure. Elle lui parle en secret, lui confie ses douleurs et ses déceptions : la petite fille fait tout ce qui est en son pouvoir pour que sa mère l’admire et l’aime, voire la préfère aux autres, en vain. Isolée, incomprise, elle ne fait alors que des bêtises, et récolte les foudres de son père et les larmes de sa mère. Jour après jour, Paule invente des histoires, jusqu’au jour où la mort vient tout balayer, comme un grand typhon…
Il ne faut pas s’y tromper : ce roman, à l’apparence de conte, cache une histoire sombre et douloureuse. Lorsque la réalité prend le pas sur le rêve, le récit s’emballe et n’épargne aucun personnage. C’est en se glissant dans la peau d’une enfant, qu’Anne-Marie Pol parvient à exprimer la souffrance de ne pas être remarquée par sa mère, la frustration de l’enfermement. Seule face au monde des adultes, l’héroïne devra faire preuve d’un grand courage pour affronter la réalité qui s’impose finalement à elle.