« Les étudiants demandent toujours quelles sont les qualités requises pour bosser dix ou vingt ans dans une ambulance. Selon moi, le plus important, ce n’est pas d’être un dur ou d’avoir du cran, mais simplement de vouloir faire ce boulot. C’est tout. Le désir de traiter des patients. Tout le monde parle de la capacité à supporter les spectacles les plus sanguinolents et les plus répugnants, à surmonter les tragédies, mais la véritable qualité, c’est l’altruisme. On l’a ou on ne l’a pas : impossible de simuler. Et bien que cette qualité soit généralement dépréciée, le véritable altruisme est une force. Sans cela, le boulot se résume à un tour d’horizon sans fin des pires aspects de la vie. Sans cela, le boulot devient insupportable.«
Ollie Cross va être médecin, c’est sûr, il a raté un concours mais il va être ambulancier quelques temps histoire de se faire un peu d’expérience et le repasser, comme on le lui a conseillé. Il demande le secteur le plus dur, Harlem, il veut apprendre, il est prêt à encaisser, c’est l’histoire de quelques mois, il a un but, une visée, ça ira. Pense-t-il. Croit-il. Alors New York, fin des années 90, ambulancier d’urgence… Une expérience ? Beaucoup plus que ça, et Shannon Burke, qui l’a vécue lui-même, en fait un roman d’une force et d’une portée peu banale – dans les remerciements, il dit s’être à un moment « littéralement perdu dans cette histoire« , et on peut presque le sentir, et aussi combien le roman en avait besoin, en fait. Avec en filigrane des morceaux du discours que prononce le chef aux nouveaux diplômés, Ollie nous raconte des petites scènes, des bribes d’effroi, des trucs de dingue, la vie de la brigade, les autres ambulanciers, les soins, la vie quotidienne, ce que ça fait, concrètement, cette vie, ce métier, comment ça grippe, ça coince, ce que ça entraîne, à quoi on se raccroche, ou pas, qui, comment, pourquoi. Ca flingue, ce roman, c’est violent, et c’est cash, c’est sincère, ça concerne, on plonge dans les tours et détours des comportements, au coeur de la noirceur, et on doit faire des pauses, avaler, laisser reposer un peu. Remuant. Excellent.
« (…) la main minuscule et recourbée d’un bébé retrouvé mort de faim dans son berceau, avec sa mère penchée au-dessus, en train de manger un hot-dog, et qui nous dit « Ouais, ça faisait un petit moment qu’il était malade », (…) »