Arden
Frédéric Verger

Folio
Blanche
août 2013
560 p.  9,70 €
ebook avec DRM 15,99 €
ebook avec DRM 9,49 €
 
 
 
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Lire l’avis de Marianne Payot (L’Express), l’une de nos « critiques invités »

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coup de coeur

Grand Arden Hôtel.

Frédéric Verger a obtenu le prix Goncourt du premier roman 2014 avec « Arden », dont l’écriture classique et la manière baroque des thèmes s’entremêlent pour nous raconter qu’il était une fois, au cœur de la Mitteleuropa, se nichait un royaume appelé Marsovie, connu pour son opulence et la débonnaireté de son roi Karol…

Le héros de ce conte est Alexandre de Rocoule, ainsi vivement croqué : « rêveur, valseur et fornicateur ». Selon la légende familiale, son aïeule aurait appris le français au Grand Frédéric, ce dont il tire une grande vanité. En 1927, il épouse Irena, la fille du directeur du sanatorium d’Arden, sis au fond d’une forêt de conifères, et fait d’une pierre deux coups en transformant la maison de santé en hôtel-restaurant de luxe. Alexandre est aussi passionné d’opérette, et pose sur la vie le regard d’un metteur en scène ou d’un librettiste, composant des musiques et des chansons comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. Il est animé d’une douce folie à la gaieté un peu forcenée, compensée par le caractère sérieux et taciturne de son meilleur ami, Salomon Lengyel. Ce tailleur veuf délaisse son atelier de confection pour consacrer de longues heures à l’écriture d’opérettes, passion qu’il partage avec son complice exalté. De 1917 à 1944, le duo en a composé des dizaines, toutes inachevées, ne parvenant jamais à se mettre d’accord sur le dernier acte. Le soir, tandis que Salomon s’abandonne seul à la mélancolie, Alexandre ouvre le bal du Grand Hôtel, où derrière les lourdes tentures, dans un décor féérique fait de tables richement garnies scintillant à la lumières des chandelles, tourbillonnent des serveurs en habit autour de clients distingués.
Les Marsoviens ont longtemps cru dans leur insouciance que le conflit qui agitait l’Europe épargnerait leur éden, mais à partir de 1943, les bottes noires franchissent leurs frontières. Les Juifs sont traqués par les nazis, Alexandre héberge Salomon et sa fille Esther, arrivée précipitamment de Budapest où elle a grandi, et dont il tombe éperdument amoureux. Des musiciens juifs se terrent aussi dans les caves de l’hôtel, désormais réquisitionné par les soldats allemands. Alexandre a alors une idée géniale : au lieu de laisser les fugitifs se cacher dans les coulisses, il décide de les montrer, pariant dans un élan audacieux de faire de tout ce petit monde un orchestre qui jouera une opérette de sa composition au nez et à la barbe des nazis, sans que ceux-ci ne soupçonnent la supercherie. Le succès est immédiat, et la musique est diffusée partout en Marsovie. Mais l’action se resserre et il y aura bien cette fois un troisième acte à l’opérette d’Alexandre et de Salomon, qui sera décidé par le sort de l’Histoire.

Ce roman foisonnant se déroule comme une opérette : on y rie, on s’y aime, on se repousse, on y chante, mais la coda est cynique, et on y meurt aussi. Cependant le réel jamais ne tarit l’imaginaire dont se nourrissent les personnages. Les descriptions de Frédéric Verger sont somptueuses, qui prend son temps pour mener la danse ; le rythme lent alterne avec les parties plus vives, et le lecteur surprend la création à l’œuvre à travers les rideaux toujours levés sur la scène du Grand Hôtel d’Arden.

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