La rédaction l'a lu
L’enfance est un lieu dont on ne sort pas indemneIl y a des livres que l’on se sent presque forcé d’aimer, tant la critique s’est montrée élogieuse à leur égard: « texte éblouissant », « roman magnifique », « un vrai chef-d’oeuvre » … Qu’ajouter à tout ce qui a été dit ? Comment vous convaincre de le lire, après les articles enchanteurs comparant Robert Goolrick à Steinbeck ? J’ai essayé de me l’approprier sans préjugés. 1948. Comme le suggère le titre, un vagabond arrive à Brownsburg, bourgade paisible du sud des Etats-Unis, au volant d’un vieux pick-up. De Charlie Beale, on ne sait rien. Il n’a pas de passé, mais consigne son quotidien dans les pages d’un cahier. Vivant d’abord à l’écart, dans un champ, il s’attire rapidement l’affection des habitants. Will, le boucher, l’engage à ses côtés. Alma, l’épouse de celui-ci, le materne et lui trouve une maison. Mais c’est surtout avec leur fils que Charlie se lie d’amitié. Sam, six ans, petit garçon aux milliers de questions, mais forcé de taire un très lourd secret, un secret écrit noir sur blanc dans le cahier de Charlie, un secret terrible, et qui se résume en un mot : adultère, ou en un prénom : Sylvan. Sylvan est l’épouse du riche propriétaire Boaty Glass, mariée de force, puisqu’il l’a achetée à ses parents, des paysans miséreux. Dès qu’elle pose le pied dans la boucherie, l’étranger s’éprend de cette beauté entêtante, aux yeux verts et aux doigts fins. Peu à peu, Sylvan Glass devient pour Charlie, sa raison de vivre. S’ensuit alors une passion dévorante dont le petit Sam est l’unique témoin. Mais ne parler que de la passion interdite entre deux êtres que tout oppose, serait réduire le roman de Robert Goolrick à une -très belle- histoire d’amour. Or, il est bien plus que cela. Le récit est porté par deux personnages que l’auteur ne se lasse pas d’analyser : à travers Sylvan, il raconte d’abord la désillusion. Du haut de ses vingt ans, la jeune femme rêve de vie mondaine et d’Hollywood, arbore des robes flamboyantes et parle comme les actrices de cinéma qu’elle écoute fiévreusement à la radio. Elle tente vainement d’oublier sa vie monotone, et nous fait délicieusement penser à Emma Bovary. Puis, à travers Sam, il opère une plongée dans le monde de l’enfance. On se met à la place du petit garçon éternel insatisfait et d’une intelligence extrême, qui prend à la fois conscience de son cœur et de son corps, et c’est tout simplement bouleversant. Sa liberté de parole fait du lecteur son tendre complice. Et parce que le héros considère Sam comme un adulte, le petit ne parvient pas à trouver sa place. Seul et silencieux, assis dans le salon de Sylvan, face aux biscuits et aux bandes dessinées, les bruits provenant de l’étage, le paralysent et le gênent. Moins que l’existence de Sam, ce sont aussi les vies des habitants que Charlie bouleverse. À Brownsburg, Noirs et Blancs ne se mélangent pas. Chacun dans son église craint Dieu et l’enfer. Alors quand l’étranger commet le péché ultime, ils se renferment encore davantage sur eux-mêmes. Les lectrices de « Elle » avaient vu juste en décernant leur grand prix 2013 à ce roman. Ce drame poignant, qui oscille dangereusement entre grâce et cruauté, se lit d’une traite. Comme un écho à la phrase « L’enfance est un lieu dont on ne sort pas indemne », la tragédie monte en puissance et laisse place au dénouement qui glace le sang.
Les internautes l'ont lu
coup de coeur
une ballade douce et amère aussi.
Comment vous dire le plaisir que cette lecture apporte ? Arrive un vagabond – Robert Goolrick
Etats-unis, Brownsburg, petite ville de Virginie. Nous sommes en 1948. Une bourgade américaine comme beaucoup d’autres à cette époque ; plutôt paisible, les familles de paysans, de commerçants et de riches entrepreneurs se côtoient avec bienveillance, du moment que les statuts sociaux de chacun sont clairement définis. Pas d’envie ni de jalousie, les gens restent à leur place, dans leur propre rôle. Il en de même pour les groupes ethniques et les différentes églises : la ségrégation raciale semble être parfaitement organisée, noirs et blancs vivent ensemble sans se mêler pour autant. Aucune plainte, aucun crime à déplorer à Brownsburg… Une certaine forme de bonheur paraît se dégager de cette ville sans histoire. Arrive un vagabond, Charlie, dont on ne connaît pas le passé. Il débarque à Brownsburg au volant de son pick-up avec pour seul bagage une valise emplie d’argent et une autre de couteaux. L’homme est boucher. Séduit par la sérénité qui émane de la ville, il a très envie de s’y installer. Rapidement, il obtient une place dans la boucherie de Will Haislett. Retrouver Nadael sur son blog
coup de coeur
un roman tragique et poétique pour l’été
Nous sommes à Brownsburg, une ville paisible de Virginie, au cours de l’année 1948. Charlie Beale arrive au volant de son pick-up, comme un vagabond, chargé de deux valises pleines de matériel de boucher et d’argent. Le talent de Robert Goolrick repose, d’abord, sur la construction de ce roman aux allures paisibles et descriptions bucoliques. Il installe le décor, le cadre de l’intrigue, sereinement. Ses personnages sont des gens simples, noirs et blancs, pieux, honnêtes et bienveillants. L’auteur dépeint, avec justesse, les failles et paradoxes humains de cette tragédie en marche. Charlie va travailler dans la boucherie de la ville et se lie d’amitié avec Alma, Will et leur fils, de cinq ans, Sam. Tout se passe merveilleusement bien au début de ce roman écrit dans un style particulièrement poétique. La lectrice se retrouve à côté de Charlie « ..près du pick-up, dans le noir, dans le chant sonore des criquets et le murmure des papillons de nuit qui faisait comme un friselis dans son coeur… » Cette atmosphère va pourtant devenir de plus en plus pesante lorsque Sylvan Glass pousse la porte de la boucherie. Sam va devenir, chaque mercredi, l’alibi du couple adultère. Robert Goolrick nous donne la vision de ce petit garçon à qui Charlie demande de préserver le secret, et de mentir, pour mener cette passion à la tragédie et à une enfance fracassée. A travers le personnage de Sylvan, l’auteur traite de la recherche d’identité, des origines, de la légèreté, des apparences. Sylvan est une jeune femme perdue, obnubilée par le cinéma et ses actrices dont elle copie les parures chez sa couturière noire. Elle vit dans ses fantasmes: « …la vraie raison de ses actes était qu’elle préférait le fantasme du film de son imagination à la réalité de Charlie Beale. » Le personnage principal, Charlie, est un garçon simple, habité par la bonté et qui sera la première victime de cette passion dévastatrice. Sam est évidemment le personnage le plus touchant, désarmé face à ce monde d’adultes dont il ne comprend pas encore les codes. L’histoire se base sur une histoire vraie. Excellent moment de lecture. Suspense et montées d’adrénaline. Roman exceptionnel
« Arrive un vagabond » parle d’amour, de solitude, de la vie d’enfermement dans la Virginie d’après guerre et du regard d’un enfant sur les adultes. Un très beau roman américain, le meilleur que j’ai lu depuis longtemps. |
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