critique de "Autour du soleil", dernier livre de Karine SILLA - onlalu
   
 
 
 
 

Autour du soleil
Karine SILLA

Pocket
janvier 2016
288 p.  6,95 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Héritages secrets

Qui n’a jamais rêvé de tout quitter sur un coup de tête ? Pour suivre un inconnu qui l’a irrémédiablement transformée et s’autoriser à vivre une incroyable passion, Louise plaque tout. Son mari et, surtout, sa petite fille Marie. Tel est le point de départ de ce deuxième roman de Karine Silla, dont on avait déjà aimé le très réussi « Monsieur est mort ».

En une très courte première partie, la romancière s’attache à décrire le tourbillon de sentiments qui a entraîné Louise à changer de vie. La passion l’emportant sur la raison semble être le canevas de cette introduction qui campe une femme libre. Libre…et fragile ; la culpabilité d’avoir abandonné son enfant la ronge d’autant plus qu’elle n’a jamais rien dit à son amant qu’elle a suivi loin, très loin de sa première vie.

La deuxième partie est l’histoire de Marie à l’âge adulte, mère de deux petites filles elle-même. A l’occasion de vacances, son univers vacille. Un accident avec son mari, Samuel, et ses filles (heureusement sans gravité), un sentiment d’incomplétude et l’arrivée d’un jeune homme ébranlent Marie.

Karine Silla offre un très beau portrait de femme, d’épouse et de mère qui prend le temps de s’interroger sur ses sentiments, sur le désir, sur son couple, l’amour, la fidélité… mais aussi sur ces secrets qui façonnent et induisent des comportements, inexplicables si l’on en ignore la cause.

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nuit blanche

Autour du soleil… il reste des zones d’ombre

«Louise n’avait pas de père. Elle avait été élevée par une mère austère qui pensait qu’une seule robe suffisait, peu importe qu’on l’ait choisie ou pas, c’était comme ça. (…) Elle disait aussi que les meilleures nuits étaient celles où l’on oubliait nos rêves. Et que la théorie scientifique de la révolution de la Terre autour du Soleil était impossible : si la Terre avait tourné autour du Soleil, sa chance a elle aurait aussi tourné.» Louise, qui est le personnage principal de la première partie de ce roman, essaie de se libérer de ce lourd carcan familial. Elle croit gagner la liberté en se mariant, cache soigneusement deux avortements avant de mettre au monde une enfant pas vraiment désirée qu’elle prénommera Marie. Quelques années plus tard, elle meurt. Tel est du moins la version officielle du roman familial. Jusqu’au jour où un homme rencontré dans un train vient livrer à Marie une autre version. Sa mère n’est pas morte, mais s’est enfuie au Vietnam pour vivre enfin. « Elle n’était plus la même femme. C’était une deuxième naissance, plus intense parce qu’elle renaissait cette fois de sa propre volonté.» Face au choc de cette révélation, Marie reste d’abord incrédule : «On ne défait pas un pull qui nous tient chaud depuis des années parce qu’on a oublié une maille en le tricotant. Je ne laisserai pas cet étranger tirer sur le fil qui dépasse.» Pourtant, il ca bien falloir attraper ce fil. Se poser des questions qui dérangent. Se demander la raison pour laquelle, on lui avait menti. Essayer de comprendre cette mère qui « avait laissé derrière elle un mari qu’elle avait épousé parce qu’il était gentil, qu’il était le premier à l’avoir demandé en mariage et qu’elle n’avait jamais su dire non, une mère qui marmonnait les yeux dans le vide et une enfant avec qui, depuis le début, elle n’avait su faire.» Mais aussi une mère qui, après avoir trouvé le bonheur, mis au monde un fils, meurt très jeune d’un cancer. «Ses poumons la punissaient de ne pas avoir assez respiré et d’avoir refoulé tous ses sentiments.» La seconde partie du livre est consacrée à Marie. À la manière qu’elle a de gérer la révélation de ce secret de famille. À la façon dont elle entend construire sa propre vie. Comment aborder le sujet avec son père parti vivre en Espagne avec Victoria, sa nouvelle compagne et qui est de passage à Paris ? Que dire à Samuel, son mari, et à leurs deux filles ? Un peu comme ces planètes cachées par d’autres astres plus grands, elle préfèrera les zones d’ombres au soleil. D’autant que les vacances arrivent et qu’ils sont attendus par un couple d’amis, dans le Sud de la France. Après un nouveau choc, l’accident dont ils sont victimes sur la route, Karine Silla nous propos une sorte de huis-clos final. Dans la grande villa de Georges et Lucie, la parenthèse estivale nous offre en effet une formidable occasion de sonder les âmes, de détailler les mécaniques qui forment – et déforment – les couples, d’esquisser de nouvelles histoires. Jean est cœur de cette troisième et ultime partie. Le fils de Georges, invité surprise, va servir de révélateur à cette photo de groupe avec dame. On sait depuis Icare combien les voyages autour du soleil peuvent être risqués. Karine Silla nous en apporte une nouvelle preuve. Avec autant de force que d’élégance.

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