Une ado surdouée en gymnastique, des parents qui rêvent de médaille olympique, une banlieue arrimée à sa championne. Une communauté prête à tout pour sortir de l’ombre… Dans « Avant que tout se brise », son huitième roman, Megan Abbott s’immerge dans une Amérique moyenne à la fois paisible et perturbée. Un ancrage réaliste amorcé depuis trois livres, après ses premiers exercices de style (« Adieu Gloria », « Red Room Lounge »), où elle revisitait une culture de jeunesse nourrie de films noir et de pulp fictions. Mais un réalisme qu’elle porte à son point d’incandescence dans cet intense suspense psychologique. Comme si, à 45 ans, cette New Yorkaise d’adoption ouvrait en grand ses fenêtres sur le vrai monde. La voici cousine d’une Gillian Flynn (« Gone girl »), d’une Wendy Walker (« Tout n’est pas perdu ») ou d’une Paula Hawkins (La fille du train »), toutes attachées à soulever les tapis sous lesquels croupissent les secrets inavouables des classes moyennes. Ici, il s’agit de savoir qui a renversé et tué, un soir, sur une route, le beau gosse du club de gym, cible de bien des désirs et des jalousies. Inspirée, Megan Abbott développe l’intrigue du point de vue d’une mère de famille, condensé de toutes les angoisses. Elle devient un auteur plus accessible, sans atténuer le parfum vénéneux qu’exhale sa galerie de mères frustrées et de séductrices post-pubères. De quoi lui valoir enfin, neuf ans après la reconnaissance de ses pairs (un prix Edgar Allan Poe, l’Oscar du polar), celle d’un plus large public ?
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