Je fais face ici à un dilemme : comment parler de ce roman génial sans dévoiler l’histoire afin de ne pas gâcher le plaisir du futur lecteur ?
Car oui, « C’est le coeur qui lâche en dernier » est un excellent roman, de la même veine que « La servante écarlate ».
En pleine crise des subprime, un jeune couple Stan et Charmaine , après avoir perdu successivement leurs emplois et leur maison, vont devoir survivre dans leur voiture. Ils ne sont malheureusement pas les seuls dans cette situation. Tout semble aller « vers la désintégration du système et entraîner l’anarchie, le chaos, des actes de vandalisme, une prétendue révolution, donc des pillages, des gangs tout-puissants, des chefs de guerre et des viols systématiques. »
En tout cas, c’est ainsi qu’un Projet de villes nouvelles est proposé : la création de « villes de taille moyenne abritant de grands pénitenciers qui seraient à même de s’autofinancer, et les habitants de ces agglomérations bénéficieraient d’un confort dévolu à la classe moyenne. Et si chaque citoyen se trouvait être soit gardien, soit prisonnier, le résultat se traduirait par le plein-emploi : pendant qu’une moitié serait en prison, l’autre moitié aurait à garder les prisonniers d’une manière ou d’une autre. Ou bien à garder ceux qui les avaient gardés. »
Charmaine entraîne Stan à la journée découverte de Consilience-Prositron et lui force un peu la main pour qu’il accepte leur installation dans cet endroit qui paraît idyllique, même si une fois entré on ne peut en ressortir.
Va alors commencer pour le couple une vie bien tranquille et ancrée dans la routine : une maison partagée avec un autre couple : quand Charmaine et Stan travaillent à Consilience, Max et Jasmine sont en prison et inversement. Mais un grand de sable, sous la forme d’un petit mot d’amour découvert sous le frigo, va venir enrayer la machine.
Et tout le génie de Margaret Atwood est de nous raconter un univers qui peut paraître de science-fiction mais dont on se dit avec effroi que tout cela pourrait bien arriver un jour. En effet, elle se base sur la cupidité des investisseurs, les privatisations d’administrations publiques, de pénitenciers, d’hôpitaux et de maisons de retraite… qui vont entraîner des dérives et n’accorder plus beaucoup de valeur à la vie humaine.
Dès le début du roman, on est accroché par l’histoire ; puis emporté dans la dernière partie par les péripéties vécues par les deux personnages principaux, certaines d’ailleurs ne manquant pas d’humour.
Pour avoir lu plusieurs romans de cette auteure canadienne, je la tenais déjà en grande estime. Mais avec celui-ci, je la mets en tête de mon panthéon personnel des grands auteurs.