Sa mère est morte. Une pneumonie foudroyante. Anna savait qu’elle était malade mais n’a pas trouvé le temps de venir la voir. Ou peut-être n’a-t-elle pas trouvé l’envie. Ava a été une très mauvaise mère. Sa mort a fait rejaillir des morceaux de souvenirs qu’Anna avait enfouis au plus profond d’elle-même. Ses années de pension chez les sœurs plongées dans une solitude amère, l’absence de ce père inconnu, le non-amour que sa génitrice nourrissait envers elle. Une fois adulte, Anna a coupé les ponts et s’est construite de son côté. Elle s’est mariée avec Bertrand qu’elle aime profondément, d’un amour puissant, qui se suffit à lui-même. Le couple n’a pas voulu d’enfants: Bertrand pour ne pas faire comme tout le monde, Anna de peur de reproduire le schéma maternel.
Et puis il y a ce bambin qui vient tous les soirs se coucher en catimini dans la remise au fond du jardin depuis la mort d’Ava. Anna l’entend la nuit, elle vient l’observer le matin avant qu’il ne se réveille. Puis il disparaît dans la matinée. Anna n’en a pas parlé à Bertrand. Plus tard, elle trouvera le moment. Mais le temps passe et elle n’ose toujours pas aborder le sujet du petit intrus. Pourtant elle y pense beaucoup à cet enfant. Elle s’y attache même. Petit à petit, Anna se coule dans une douce folie qui exclut Bertrand de sa vie. Elle se tricote un monde à elle sans y intégrer personne.
Ce premier livre d’Inès Benaroya est un petit bijou. D’une écriture précise et délicate, l’auteure parle merveilleusement des relations mères-filles, destructrices parfois, de l’appréhension de la maternité et de l’égarement. La folie peut-elle s’emparer de vous sans s’annoncer, et puis repartir, comme ça d’un coup ? Ou bien sommeillait-elle depuis toujours en vous, et n’attendait-elle que le moment venu pour s’exposer au grand jour ? « Dans la remise » est aussi un roman sur l’amour, le vrai, l’indestructible. Celui qui s’adapte et qui peut changer les choses, les guérir peut-être.