De si parfaites épouses
Lori Roy

traduit de l'anglais par Valérie Bourgeois
Points
août 2015
364 p.  7,70 €
ebook avec DRM 7,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Une femme disparaît…

Lori Roy revient illuminer l’été des amoureux du roman noir. Il y a deux ans, les éditions du Masque avaient fait le pari de sortir en plein mois d’août son « Bent road », auréolé du prix du premier roman au palmarès 2012 des Edgar. L’histoire d’une famille de « petits Blancs » revenus vivre dans leur village du Kansas pour fuir les émeutes raciales de Detroit. La chronique tendre et amère d’une Amérique pauvre et invisible, mais rattrapée par la violence. Cette année encore, c’est en éclaireur de la rentrée littéraire que l’éditeur lance son deuxième livre, « De si parfaites épouses », inspiré par la même ville, où elle a vécu entre son Kansas natal et la Floride.

Le décor est celui d’une banlieue de la classe moyenne blanche, à la fin des années 50. L’usine voisine dicte la carrière des maris comme celle des épouse, bornée à les soutenir, élever leurs enfants ou rêver d’en avoir. Julia, son amie Grace et leur voisine Malina comblent de leur dévouement un quotidien qui semble écrit à l’avance. La disparition de leur jeune voisine Elizabeth, sur laquelle elles veillaient mieux que son propre vieux père, va faire se lézarder toutes les façades du voisinage. Les hommes se découvrent soudain une responsabilité envers cette jeune fille un peu simple, qu’hier encore ils remarquaient à peine. Dans l’ombre, les femmes redoublent d’activité. Plus que l’identité d’un éventuel ravisseur ou meurtrier, ce que tous pourraient avoir à cacher interpelle.

Dans un crescendo psychologique maîtrisé, Lori Roy dépeint là encore une communauté qui perd ses certitudes, rongée par les frustrations, effrayée par une mixité raciale qu’elle repousse, accrochée à une conception vacillante de la famille. Entre les mondes masculins et féminins comme entre les quartiers noirs et blancs, les frontières se font poreuses. L’auteur fait entendre en solo les voix intérieures de ses trois héroïnes, fébriles et douloureuses, dépourvues de la complicité ou de la frivolité de leur soeurs de “Desperate Housewives” un demi-siècle plus tard. Leurs non-dits et leurs chuchotements esquissent un désir d’émancipation qui n’éclatera au grand jour qu’à la génération suivante. Le destin sacrificiel de ces épouses « si parfaites » nous tient en haleine de bout en bout.

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