L’Irak n’est d’actualité qu’au travers d’une litanie d’attentats sanglants. La crise bancaire est un épisode qu’on préférerait ranger au rayon des mauvais souvenirs. Pour oser croiser ces deux sujets dans un même thriller, il faut du savoir-faire et la foi. Michael Robotham a eu cette ambition, et confirme avec « Déroute » – septième de ses neuf romans – qu’il est une valeur sûre du genre.
Méconnu en France, cet ancien reporter australien de 53 ans a travaillé pour des journaux américains et britanniques, aidé diverses célébrités à accoucher de leur autobiographie, puis trouvé un coin de paradis au nord de Sydney pour vivre de ses fictions. Son parcours lui a forgé la panoplie du romancier endurci : art de se documenter aux bonnes sources, maitrise du récit, souci de clarté, sens du casting. Autant de qualités entrevues dans ses précédents romans, « Traquées » (2009) et « Saigne pour moi » (2012), et qui sautent ici aux yeux.
Trame policière plus atmosphère d’espionnage, l’auteur a vu grand. Il développe deux intrigues parallèles, entre Londres et Bagdad, sans jamais perdre le rythme. Réunit ses deux héros récurrents, le psychologue Joe O’Loughlin et l’ex-flic Vincent Ruiz, parfaitement complémentaires. Et les entoure d’une bonne vingtaine de personnages secondaires, tous aussi consistants et cohérents. Les bons quêtent la vérité, les méchants s’arrachent des milliards. Une opposition classique à laquelle il donne un parfum d’actualité.
A la disparition inexpliquée d’un financier anglais font écho des braquages à répétition de banques irakiennes. A l’intersection du double mystère, Michael Robotham montre un après-Saddam Hussein cataclysmique, des banquiers occidentaux d’un cynisme absolu et des services de renseignement toujours en retard d’un coup. Sans prétendre délivrer de messages, il sème les graines du doute à la volée. Glissant au passage, comme dans ses derniers romans, un personnage d’ancien soldat que la société a laissé sur la touche à son retour d’Afghanistan. La littérature de divertissement n’interdit pas d’avoir quelques convictions.