Des jours que je n'ai pas oubliés
Santiago H. Amigorena

Folio
janvier 2014
192 p.  7,50 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Chagrin d’amour

Il était écrivain, elle était comédienne, ils avaient deux jeunes enfants et vivaient à Paris. Un jour, elle lui a annoncé qu’elle aimait un autre homme.
Comment survivre à un tel aveu ?
Cela fait des années que Santiago H. Amigorena écrit sur le sentiment amoureux et sur le vide laissé par une rupture. Dans « La première défaite », paru en 2012, il observait, avec précision et empathie, l’homme jeune qu’il avait été et qui ne se remettait pas de la perte de son premier amour. Ici, la situation est pourtant bien différente. Notamment parce que le couple a deux enfants.
C’est moins un amour perdu que pleure Amigorena que la disparition soudaine de sa propre vie. Celle qu’il s’était forgée avec la mère de ses enfants, soit une famille, une ambiance, une philosophie, une plénitude et un avenir. Lorsqu’elle le quitte, c’est à tout cela qu’il faut renoncer. Et c’est sur cette différence-là qu’Amigorena réfléchit dans ce nouveau livre.
Surviennent alors d’autres réflexions sur la vie et le temps qui passe. Artistes et créateurs tous deux, leur rencontre laissait supposer qu’ils n’auraient pas une vie banale, dont ils ne voulaient d’ailleurs pour rien au monde, «notre voracité […] fait que la vie ne peut se limiter à une petite vie simple», explique-t-il. Ils voulaient une vie qui les dépasse, en quelque sorte, par l’éternité de leurs créations mais aussi par l’ampleur de leurs projets, préoccupations et ambitions, tels ces dîners organisés chaque semaine avec des amis pour parler exclusivement de philosophie ou de politique, dîners qui, avec les naissances des enfants s’étaient « effilochés ». Son appétit à lui face à la vie avait peut-être vacillé, suppose le narrateur qui confie : « Je voudrais, et c’est peut-être impossible, vivre, avec toi, une vie furieuse, tournée vers la passion, tournée vers la création, et une vie calme, tournée vers les enfants ». Il réalise, forcément trop tard, qu’elle ne pouvait s’en contenter.
Dans un premier temps, il pense à sauter par la fenêtre avec ses enfants. Puis il se raisonne, part quelques jours en Italie, s’éloigne pour mieux réfléchir, mais aussi pour chercher des traces de leur passé. Jalousie, impuissance, colère, douleur et chagrin. Tout un nuancier de sentiments humains surgit sous la plume d’Amigorena. Ecorché vif, l’auteur se met à nu sans impudeur pourtant, et raconte aussi que, dans ce brouillard où il se trouve, seuls l’écriture et les livres peuvent l’éclairer.
Le texte est astucieusement rythmé par des passages à la première personne, où le narrateur s’adresse au présent à la femme qu’il aime dans une sorte de lettre ininterrompue et –on le devine- jamais envoyée, passages empreints de souffrance et d’un questionnement sans fin, entrecoupés de textes à la troisième personne et au passé, qui permettent l’analyse et la distanciation. Parfois, des fragments des « Lettres à Lou » d’Apollinaire, que le narrateur lit au cours de son voyage en Italie, résonnent comme un écho à son amour fou.

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