On rentre dans la vie d’Emily comme on regarde par une fenêtre en passant dans la rue. On s’arrête de marcher, on attend quelques instants pour voir passer une ombre, on s’avance pour regarder de plus près, et on entre dans son salon, dans sa chambre, on l’accompagne dans sa cuisine, au jardin, dans son garage et nous voilà partie avec elle, dans sa nouvelle voiture. Elle a 80 ans et ses journées passent au rythme de ses pensées secrètes, de ses remords et de sa liste de courses qu’elle complète avec soin, pour ne pas oublier. Par quelle magie l’écriture nous fait respirer au rythme de la vie d’Emily. Pourquoi, chaque soir, retrouver ce livre, retrouver Emily là où on l’a laissé la veille, est un délice ? Parce que sa vie est faite de délicieuses attentes dont elle sait se délecter, comme l’attente d’une carte de vœux ou l’attente du printemps, l’attente de la visite des ses enfants et petits enfants. Parce qu’Emily n’est jamais triste, parce qu’elle ne s’ennuie jamais et que chaque instant de sa vie avec son chien Rufus est habité par ses pensées pleines d’humour et de lucidité. Parce qu’elle se réjouit de sa solitude qui lui donne une liberté complète. On pourrait relire ce livre sans fin, relire un chapitre pour le simple bonheur de se mettre à son rythme, de se sortir du temps compulsif des actualités. Juste pour le plaisir de la retrouver comme une voisine qu’on voudrait pouvoir visiter chaque jour pour prendre un thé et partager quelques instants sans craindre l’ennui, ni la lassitude, sans craindre la fin. La magie c’est l’écriture bien sur. Et celle ci est d’autant plus magique qu’on ne comprend pas le tour de magie.