Au cours d’une soirée chez des amis communs, Paul rencontre Ninon et tombe sous le charme de ses beaux yeux verts. Lui se remet à peine d’une rupture avec Chiara, et Ninon, de son côté, voit son mariage avec Thaddée n’en plus finir de se naufrager. Ces déconvenues amoureuses les jettent dans les bras l’un de l’autre, et leur histoire commence merveilleusement bien : promenades et rendez-vous dans la torpeur silencieuse d’un été qui a vidé Paris de ses habitants.
A la recherche du passé perdu
De sa plume que l’on connaît bien, trempée dans l’aquarelle, Guillon excelle à épingler la fugacité d’un moment, la fragilité des hommes, et l’inconstance de leurs sentiments. Elle creuse pour aller au plus profond des êtres, là où gisent nos craintes ordinaires : la nostalgie de l’enfance enfuie et des moments solaires qui s’y attachent, le regret de la jeunesse, le souvenir des disparus, l’angoisse des années qui passent, l’enterrement de chaque instant. Car cet écoulement du temps est la grande affaire de Guillon. Le présent de ses personnages les renvoie immanquablement à leur passé, éveillant en eux le souvenir mélancolique de joies anciennes et de bonheurs défunts.
Comment être heureux ?
En cela, ce sixième roman de l’écrivain participe de la même recherche que les précédents, hantés qu’ils sont tous par ce constat douloureux que chaque chose porte en soi son anéantissement. Comment, dans ces conditions, être heureux durablement ? Regardez, semble-t-il nous prévenir, regardez comme cette construction amoureuse va être jetée à terre. Et en effet, une fatalité noire plane sur le récit, qui instille au cœur du lecteur un mauvais pressentiment… Pourtant, Paul et Ninon vivent toujours, à cet instant, une aventure voluptueuse ! Tellement douce et euphorique, que la jeune femme lance tout à coup, imprudemment : « Et si nous partions en amoureux ? »
Belle mais dangereuse
Déjà , les deux amants imaginent la Grèce, la découverte de l’Acropole enlacés l’un à l’autre. Cette perspective est délicieuse… Mais souvenez-vous du poème de Paul-Jean Toulet : « Prends garde à la douceur des choses ». Il reviendra trop tard à l’esprit de Paul la réflexion que lui avait faite un ami au sujet de Ninon : « Elle est belle, mais… dangereuse ». Au reste, comment auraient-ils pu, l’un comme l’autre, imaginer que le paradis des Cyclades allait devenir pour eux une succursale de l’enfer, et que Cupidon y passerait le masque de Satan ?