Devenu une pointure internationale du polar, l’écrivain-motard Deon Meyer n’est pas homme à rester les deux pieds dans la même boots, chamboulant à chaque fois la structure et le cadre de ses romans. Après avoir augmenté la dose d’adrénaline, accéléré la cadence, posé des ultimatums, imaginé des complots à déjouer et des otages à libérer, le romancier sud-africain s’est lancé, pour son dixième livre, « En vrille », un défi inédit. Développer en parallèle deux récits, sans rapport apparent, mais dont on devine que l’un éclairera l’autre lorsqu’ils se croiseront ou se rejoindront. D’un côté, un homme, viticulteur de profession, confesse à son avocate la litanie des malheurs familiaux vers un point d’arrivée que l’on devine tragique. De l’autre, les « faucons » de la police criminelle du Cap enquêtent sur la mort d’un golden boy de l’internet, flambeur et séducteur vénéneux, qui s’est enrichi en comblant les désirs d’adultère de ses contemporains…
L’auteur relègue au second plan l’inspecteur Benny Griessel, son héros récurrent, paralysé par son addiction à l’alcool, au profit de son adjoint, le métis Vaugh Cupido. Une manière de décrypter autrement les rapports entre les communautés qui composent la nation arc-en-ciel. L’histoire prend de la consistance à mesure que Vaughn rapproche les pièces du puzzle, que Benny sort de son brouillard éthylique et que l’avocate réalise où son client veut en venir. Mais il faut pour cela patienter jusqu’aux deux tiers du parcours, comme dans un repas où la finesse du dessert ferait oublier que l’entrée était fade et le plat roboratif. Sans le rythme de « 13 heures » (2010) ni l’intensité de « Kobra » (2014), deux des polars les plus réussis de l’écrivain du Cap, « En vrille » semble manquer de nerf mais aussi d’enjeu, les rivalités des mondes viticoles et high tech manquant assurément de charme. Or, avec Deon Meyer, on s’est habitué au meilleur.