Que les éditions Miroboles et ses représentant(e)s soient ici remercié(e)s à leur juste valeur : une stèle le sera élevée. Virtuellement… Après avoir adoré les premières aventures d’Alper Kamu, 5 ans, philosophe alcoolique dépressif et libidineux, voici la suite (et si Dieu le veut pas la fin) de ses élucubrations.
On retrouve ici tous les ingrédients ayant favorisé le succès du précédent livre mais incorporé selon des mesures différentes pour un résultant aussi bon mais… différent (merci de bien vouloir suivre). Les différences se jouent à peu de choses : un peu moins de références philosophies, un peu plus de polar, autant d’humour et un style toujours à la hauteur du fond et de la forme font de cette « Fleur en enfer » un nouveau très bel objet mirobolien.
On retrouve ici deux fils conducteurs : l’un se rapportant directement à la vie d’Alper et de ses glorieux aînés à travers la mort suspecte de son oncle et l’autre ayant trait à une famille installée depuis peu dans le quartier et dont l’un des enfants s’accusent d’avoir assassiné son petit frère handicapé. Alper Kamu ne croit bien entendu ni à l’un ni à l’autre. Ajoutez à cela qu’il est éperdument amoureux de sa nounou, qu’il s’est fait viré de la maternelle, qu’il picole quand il peut (ça l’aide à mettre les causes en face des conséquences…), qu’il a des tendances suicidaires… Alper Kamu est un anti-héros comme la littérature en commet peu mais comme il est jouissif d’en rencontrer et de les côtoyer le temps d’un livre.
Alper Canigüz ajoute à tout cela une réflexion sur la nature de la justice : ce qui est juste pour les uns sera injuste pour les autres, vouloir rendre la justice peut aboutir à faire éclore une injustice ailleurs. Alper Kamu s’interroge en ces termes sur le choix cornélien qui lui échoit entre dire la vérité ou la taire, les conséquences de l’un comme de l’autre se révélant néfaste, et sur le rôle endossé par celui à qui échoit le choix : « Serai-je une canaille orgueilleuse ou une canaille conformiste ? ».
Cher lecteur, que tu sois intéressé ou non par le roman policier et le roman noir, il serait dommage de passer à côté des romans d’Alper Canigüz. Rue-toi donc en librairie, achète et savoure !
Le lien vers le billet de l’excellent Encore du Noir qui souligne (raison pour laquelle je ne l’ai pas fait) avec brio le décalage entre le personnage d’Alper Kamu (oui, oui, vous pouvez faire le lien avec Albert Camus) et ses 5 ans avec les situations qu’il rencontre, la vision de la société stambouliote et la vision du monde proposée par son anti-héros.
« L’humidité atteignait un niveau propre à expédier tout asthmatique « ad patres » en une seule inspiration ».
« Si ma tante n’avait pas parsemé de mines antipersonnel les lieux qu’il ne fallait pas piétiner [dans son appartement], ce n’était dû qu’à la grande difficulté d’éliminer les taches de sang ».
« Sur le petit guéridon juste à côté trônait une bouteille de vodka. Bien que je sois enclin à considérer la bouteille comme à moitié vide dans la plupart des cas, je ne peux m’empêcher de me concentrer sur l’autre moitié lorsqu’il s’agit d’alcool. J’ai donc dévissé le bouchon et avalé une grande rasade de vodka bon marché. J’ai eu la bouche et la langue en feu, mais, songeant qu’un clou chasse l’autre, j’en ai absorbé encore une gorgée – à force de l’envoyer en cachette les fonds de bière de mon père, j’avais sans doute commencé à développer une sérieuse addiction à l’alcool. »
« Si Aristote avait connu ma mère, il aurait écrit autrement les règles de la tragédie : d’ailleurs probablement qu’après quelques vaines tentatives, il aurait entièrement renoncé à cette entreprise. »