A côté des stars du genre, de nouveaux noms surgissent sans cesse au rayon polars, dénichés aux quatre coins du monde. Romanciers polyvalents, journalistes ou avocats, policiers ou magistrats, ils tentent d’intégrer cette famille gourmande de voix neuves et d’atmosphères singulières. Passée au tamis des libraires, des critiques et du bouche-à-oreille, une poignée d’entre eux surnage.
Warren Ellis est un de ces auteurs surgis d’ailleurs. Britannique, 45 ans, scénariste pour Marvel Comics, auteur de la BD « Red » portée à l’écran avec Bruce Willis et Helen Mirren dans les premiers rôles, il déboule d’un univers où le verbe ne vit pas sans l’image et où l’action et le muscle priment. Ses ange-gardiens y croient. Aux Etats-Unis, Fox va adapter son livre en série télé. En France, son éditeur le fait venir au festival Quais du Polar de Lyon. Avec sa barbe en pointe et son look uniformément noir, voici un bon client pour assurer le show. Mais son roman ?
A son crédit, « Gun machine » démarre très fort. Une patrouille est envoyée en urgence maîtriser un forcené. Le flic new yorkais John Tallow voit celui-çi brûler la cervelle de son équipier. En l’abattant à son tour, il fait un gros trou dans un mur et met au jour un appartement tapissé d’armes. Après analyse, chacune se révèle avoir servi à un crime non résolu. Ce que Tallow ignore – mais pas le lecteur – c’est qu’il croise très vite le tueur lancé à sa poursuite. Une sorte de vagabond qui se prend pour un Peau-Rouge en chasse et voit la ville comme avant les premiers colons.
L’argument sort de l’ordinaire. Warren Ellis s’amuse ainsi à décortiquer New York jusqu’à ses fondations indiennes. Et comme cet homme-là a le visuel dans le sang, il enchaîne les images fortes. Il a aussi le sens du casting, lançant sur les traces du « chasseur » un trio d’enquêteurs des plus iconoclastes. Lâché par ses collègues, Tallow hérite de deux jeunes techniciens de la police scientifique, rebelles mais surdoués. Leur choc de culture fait souvent sourire. Ce qui fonctionne moins bien, au fil du livre, c’est un traitement inégal des personnages secondaires, des clichés sur la corruption et l’affairisme, des libertés prises avec la clarté du récit, en particulier sa fin vite expédiée. Le positif l’emporte quand même. Warren Ellis a défriché un terrain vierge. Il lui reste juste à le bonifier.