C’est un si bel enfant : Joseph Boruwlaski a les traits fins, les cheveux couleur de blé et les yeux myosotis. En cette année 1741, il vit avec sa mère et ses frères et sœurs en Russie polonaise. Son père s’est suicidé. Il le sait car il l’a vu se jeter dans le lac. Il sait aussi qu’il ne doit pas en dire un mot car, s’il n’a que sept ans, c’est un petit garçon très intelligent. Mais il est minuscule. Il a la taille d’un enfant à la naissance et ce handicap n’en est pas encore un pour lui. Sa mère qui n’a plus un sou confie, contre un peu d’argent, sa garde à une amie fortunée, Madame de Caorliz. Celle-ci le promet : il sera heureux, elle le soignera et en fera son « joujou ». Joseph a été vendu. Il devient un petit jouet humain, un jeune chiot qui s’assied sagement sur ses genoux et qu’elle exhibe comme un trophée. Elle en oublie que son « Joujou » a été séparé de sa mère et que son chagrin est immense. Il a compris qu’il devait être ce qu’on attend de lui, alors, entre deux sanglots, il sourit de toutes ses jolies dents.
Une autre protectrice le prend plus tard sous son aile, elle lui apprend à lire, à écrire, à jouer du violon, à devenir un parfait gentillhomme. Il voyage dans toutes les cours d’Europe, devient une légende. Mais reste aux yeux des autres, ce « joujou » de 90 centimètres, ce lilliputien qui fait rire, cet objet de curiosité.
Joseph a pourtant une belle âme, du talent à revendre et un cœur qui souffre : il est pour toujours l’enfant abandonné par sa mère, et la femme qu’il épouse n’agira pas autrement avec lui. Il croit même ne pouvoir jamais être aimé mais il se trompe. Il traverse le 18e siècle, de l’Ancien Régime à la Révolution, est l’ami de la Clairon, célèbre comédienne, fréquente marquis et prostituées, il devient un violoniste de renom et vivra jusqu’à 98 ans. Une histoire folle ? Sans doute. Mais une histoire vraie. Joseph Boruwlaski a réellement existé et raconte son incroyable destinée dans ses mémoires. Elles ont – bien – inspiré Eve de Castro qui, nous entraîne dans une aventure sidérante dont on sort émerveillé mais le cœur serré.