Les éditions du Sous-sol poursuivent la publication des romans de l’écrivain canadien Mordecai Richler (1931-2001), avec l’un de ses premiers livres paru en 1959, roman de formation d’un enfant terrible dans le Montréal des années 1950. Rythmé, tendre et satirique, c’est un vrai régal.
Les quatre cents coups
Duddy Kravitz est le dernier rejeton d’une famille d’immigrés juifs dont ne restent que les hommes : le père chauffeur de taxi, le frère étudiant en médecine, l’oncle riche malheureux, et le grand-père cordonnier qui a inculqué ce credo à son petit-fils : « un homme sans terre n’est personne ». « Là d’où venait Duddy Kravitz, les garçons grandissaient sales et tristes, aussi sauvages que les herbes qui poussaient le long des voies ferrées ». Mais notre héros brave les déterminismes, c’est un gagneur. A l’école déjà, il exerce ses talents en revendant timbres, bandes dessinées ou crosses de hockey volées. L’été de ses dix-sept ans, après la fin du lycée, il travaille dans un hôtel des Laurentides pour Juifs nantis, où il rencontre Yvette. Grâce à la jeune serveuse, il découvre l’amour et surtout la terre de ses rêves, un terrain à la campagne avec un lac : il décide que c’est là qu’il bâtira son empire.
L’ascension d’un p’tit gars de la rue Saint-Urbain
Pour trouver l’argent nécessaire à l’acquisition de son bout de terre, Duddy Kravitz use de tous les ressorts de son imagination. Sans aucune expérience, mais avec une inébranlable foi en lui-même et une audace sans pareille, le jeune loup se lance dans la production de films de bar-mitsvas avec un réalisateur américain en disgrâce, fait de la contrebande de billards électroniques, et côtoie les gros bonnets. S’il incarne le mythe du self-made man américain, il brûle la chandelle par les deux bouts, et son agitation frénétique est symptomatique d’une insatisfaction plus profonde. Hâbleur, menteur, séducteur, il embarque ses acolytes dans ses combines et ses trafics, mais attire aussi les profiteurs et les mauvais payeurs. Lorsque viendra le temps des comptes, pas sûr que les gains équilibrent les pertes…