La rédaction l'a lu
« L’exception » qui confirme le talent…d’Audur OlafsdottirEn Islande, on ne parle pas d’un « coming out » lorsqu’un homme ou une femme révèle son homosexualité au grand jour, mais on dit « sortir du placard ». Quoi qu’il en soit, le résultat est le même, c’est-à-dire une grande libération du côté de ceux qui « sortent » et une certaine stupeur pour les conjoints qui « restent ». On peut affirmer que Maria n’a rien vu venir. Le jour où son mari, Floki lui a déclaré « tu es la dernière femme de ma vie » en lui annonçant qu’il la quittait pour son amant, prénommé lui aussi Floki, elle est tombée… du placard ! Floki était un père exemplaire (ils ont deux adorables jumeaux de deux ans et demi), un mari attentionné (des fleurs, des robes etc etc), mais évidemment, à bien y repenser, il y a toutes ces absences, ces nuits passées dehors à travailler, ces appels téléphoniques mystérieux et une garde-robe qui tend de plus en plus à virer au rose! Peu à peu, Maria s’aperçoit qu’elle a été un accident hétéro dans une vie très homo. Et ce mathématicien, spécialiste du chaos, va mettre un beau bazar dans leur vie. Maria se retrouve seule avec deux enfants, et un troisième qui ne devrait plus tarder car leur demande d’adoption vient d’aboutir. Pas question de laisser un enfant en rade pour une absurde histoire de séparation. Au même moment, elle fait la connaissance d’un père biologique qui débarque dans sa vie et dont elle connaissait à peine l’existence. Comme lui dit sa voisine, conseillère conjugale et nègre pour un auteur de policiers, si on mettait tout ça dans un roman, personne n’y croirait. Dehors, il fait froid, très froid même. La nuit envahit une bonne partie de la journée. Floki n’est plus là pour déneiger les abords de la maison, mais un jeune voisin, amoureux transi de Maria, propose ses services. Ce troisième roman d’Audur Olafsdottir est aussi celui que je préfère. On y retrouve l’imagination poétique, les personnages un peu décalés, qui sont devenus sa marque de fabrique sans qu’il y ait là pour autant le moindre systématisme. D’ailleurs, lorsqu’on la rencontre, on est bien obligé de constater que Audur est aussi lunaire que ses héroïnes. Malgré les circonstances qui ne sont pas vraiment hilarantes, il s’agit ici d’un roman bien plus joyeux que mélancolique. Il n’y a jamais de rancœur ou de haine dans les romans d’Audur, tout juste un soupçon de jalousie.
Pascale Frey parle de « L’Exception » Lire également notre interview « Quelle lectrice êtes-vous, Audur Olafsdottir ? »
Les internautes l'ont lu
coup de coeur
Etre une « Exception », oui, mais de celle-là, non merci !
Pour déguster ce livre, je vous propose de choisir une journée calme. De celle où aucune obligation ne vient vous distraire dans votre lecture. Car il faut que je vous prévienne, une fois ce recueil ouvert, vous n’arriverez plus à vous extraire de l’atmosphère inimitable que son auteure islandaise installe. María est mariée depuis 11 ans à Flóki. ( Flóki, c’est « compliqué » en islandais !) Ils ont de charmants jumeaux de deux ans et demi. Oui mais voilà, le soir du réveillon, il annonce à María qu’elle a été l’Exception, qu’elle restera sa meilleure amie. Puis il tourne les talons et part rejoindre son collègue, son amant et débuter sa nouvelle vie. Ce sont les quelques jours qui suivent cette déflagration que nous allons vivre avec María. Elle est paradoxalement calme, comme étrangère à elle-même, anesthésiée peut-être par le choc ? De toutes façons, il faut bien que la vie continue: les jumeaux ont besoin d’attention. Et puis l’Islandais a pour réputation de garder son du sang froid lorsque des drames arrivent. Et Perla, son excentrique voisine, va devenir soutien pour María. Perla est hors norme: psychanalyste, conseillère familiale et conjugale ( ça tombe bien !) mais aussi écrivain, nègre pour auteur de polar islandais peu doué (L’Islande étant, du propre aveu de l’auteur, un pays où tout le monde se croise un jour ou l’autre, je serais curieuse d’assister à la rencontre de ces deux auteurs !) et naine. J’ai beaucoup aimé Perla. Elle m’a fait rire. D’autres personnages atypiques gravitent aussi à la périphérie de cette femme délaissée: son voisin étudiant, fan d’ornithologie et un peu amoureux d’elle; son père biologique qui réapparait après n’avoir jamais existé dans sa vie; sa mère qui va enfin lui raconter une partie de son histoire… « Si ta vie était un roman, dit-elle depuis la cuisine, une telle saturation d’événements dramatiques semblerait peu vraisemblable » Que Flóki soit parti pour un autre homme est vraiment terrible. Mais simplifie finalement le débat en excluant, de fait, la jalousie. Car ce n’est finalement plus le propos. Mais quel abime cela ouvre … »M’a-t-il vraiment aimé ? » , « Pourquoi n’ai-je rien vu » ? Il s’agit alors de remonter le temps, se remémorer ce qui aurait pu être un indice…. et en trouver… Auður Ava Ólafsdóttir dit avoir voulu écrire un roman sur la mémoire qui trompe. Au fil des pages, la démonstration va en être faite. Les souvenirs s’écrivent comme notre imagination le veut, ils sont réinventés. Ce livre est mélancolique, poétique et doux tout en ayant ce brin d’excentricité si propre à son auteur qui nous avait déjà enchanté avec Rosa Candida et L’Embellie. |
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