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La Daronne
Hannelore Cayre
Points
mars 2017
192 p. 6,60 €
ebook
avec DRM 10,99 €
La rédaction l'a lu
La Daronne lave plus blanc !
Le droit mène à tout. Au roman noir, par exemple, pour peu qu’on sache scruter la justice sans complaisance et tremper sa plume dans l’acide. Auteure déjà de quatre romans et d’un long métrage remarqué (« Commis d’office » en 2009, co-écrit avec Roschdy Zem), Hannelore Cayre libère ainsi la rebelle qui sommeillait sous sa robe d’avocate pour nous livrer avec « La Daronne » un bijou de scénario politiquement incorrect.
Court, musclé et hilarant
Couronné du Prix du polar européen 2017 (remis à l’occasion de Quais du polar), ce livre court, musclé et souvent hilarant, est le portrait désabusé d’une femme n’ayant plus rien à perdre. Une quinqua lestée d’un excédent de bagage mémoriel, fille d’un truand tyrannique et d’une ancienne déportée cadenassée dans son passé, mère peu maternelle de deux gentilles filles auxquelles elle n’a rien à dire. Sa parfaite maîtrise de la langue arabe la fait vivoter comme traductrice, à transcrire des dépositions, des interrogatoires ou des heures d’écoutes téléphoniques. C’est là, dans les coulisses d’une enquête des stups, entre deux visites à sa mère en fin de vie, qu’elle déniche deux pépites. Une famille de trafiquants marocains en panique a dû se délester d’une cargaison de cannabis près d’une sortie d’autoroute. Et le chauffeur n’est autre que le fils de la brave aide-soignante qui assiste sa propre mère.
Le droit mène vraiment à tout
Une aubaine pour forcer son entrée dans le business et améliorer enfin son ordinaire : la voici devenue, pour ses associés et les policiers qui les espionnent, « la Daronne », une machine à revendre et blanchir insaisissable. Le cynisme du personnage, son regard impitoyable sur les dealeurs à l’intellect déficient, sa relation sans issue avec un policier transi d’amour donnent de la chair à cette histoire où le suspense reste secondaire. Ce qui n’empêche pas un ultime retournement joliment amené.
Une présentation de l’auteur H. Cayre donne à mon sens du crédit sur les affaires en toile de fond du récit :
Hannelore Cayre, avocate pénaliste née en 1963 et vit à Paris. Elle a déjà à son actif : « commis d’office », « Toiles de maître » et « comme au cinéma ». Elle a réalisé des courts métrages et adaptation de Commis d’office est son premier long métrage.
Cet ouvrage présente toutes les qualités pour devenir un excellent scénario de film ou téléfilm. Je suis même tentée de faire le rapprochement avec le film Paulette de 2012 avec Bernadette Lafont. Dans ces deux comédies « policières », la drogue devient le biz (business) lucratif de deux mamies qui en imposent aux racailles. L’humour de la narratrice, pointé tout au long du livre, n’affecte pas la réalisme prégnant (jusqu’à la couverture de la jaquette du livre) des situations, tant elle détaille ses stratégies et ses manœuvres tout à fait crédibles pour ses interlocuteurs.
La Daronne (en argot = la mère), optimiste et drôlesse nous distrait en toutes circonstances. Dès le prime abord, avec humilité elle use de l’autodérision sur son physique (P. 18 ) :
J’ai un physique robuste avec cinq kilos de trop pour en avoir pris trente à chacune de mes deux grossesses, laissant partir en roue libre ma passion pour les gros gâteaux colorés, les pâtes de fruits et les glaces.
Son passé familial foisonne d’anecdotes croustillantes, assaisonné du cocktail épicé de ses parents : un père pied noir, une mère juive qui parle yidish et Bouchta. Elle dépeint avec la même ironie sa propre famille, son mari aimant et ses filles studieuses (P. 25) qui ont pu bien s’en sortir :
Mes deux savantes de filles sont à présent des ouvrières du tertiaire. … Disons qu’il s’agit de ses boulots à la con où l’on s’étiole devant un écran d’ordinateur pour fabriquer des trucs qui n’existent pas vraiment et qui n’apporte aucune valeur ajoutée au monde.
On ne peut que sourire de son petit ami Philippe affublé de deux principaux défauts, selon la Daronne : sa probité et croire en Dieu parvenu à la séduire (P.97) :
Le désir de Philippe pour moi a emporté le morceau : un désir fort et sincère qui brillait dans ses yeux lorsqu’il regardait et qui aurait emballé n’importe quel être ménopausée.…
Mais la Daronne ne montre jamais de méchanceté, même si elle n’éprouve aucune estime pour les dealers qu’elle écoutent, et rencontrent. Elle se moque avec gentillesse de leur arabe approximatif ponctué de mots français. Mais avec intrépidité, elle s’ingénue juste servir ses intérêts sans nuire à personne et sans se laisser impressionner par qui que ce soit (P.123) :Le jeu du capitalisme, je connais, eux aussi : c’est le plus immonde qui force le respect.
Car en effet, la quête l’argent est la pierre angulaire de son enfance (P.14) :
Parce que l’argent aime l’ombre est que l’ombre il y en a à revendre sur le bord d’une autoroute.
Mais P.38, le paragraphe sur son utilisation en tant que moyen de se faire plaisir est intéressante. Loin des dépenses bling-bling des dealers, les siennes sont autrement plaisantes. Elle nous explique son dada comme « la petite collectionneuse de feux d’artifice » et ses autres madeleines de Proust.
Dans ce livre, drôle et distrayant le lecteur est initié au charabia (heureusement traduit pour les néophytes, car j’ose penser qu’il y en a encore !) des petits caïds et leurs combines. Une certaine moralisation gratifie La Daronne d’une grande intelligence et d’une fantaisie assidue à dénouer leurs stratèges, à les manipuler, tout en grugeant les forces de polices. Sa débrouillardise fait plaisir, et son absence de scrupules s’excuse car finalement, elle n’a abusé que des malfrats.
L’écriture est rapide, fluide alterne une narration dans un vocabulaire soutenu, argotier et le jargon des cités que LA daronne nous traduit pour le non-initié
Recette pour être La Daronne
1 – Avoir des parents pas trop regardants sur l’honnêteté, aimant le businesse international
« Mes fraudeurs de parents aimaient viscéralement l’argent. » « Il (son père) avait fait fortune en envoyant ses camions vers les pays dits de merde dont le nom se termine par -an comme le Pakistan, l’Ouzbékistan, l’Azerbaïdjan, l’Iran, etc. ». Pour postuler à la Mondiale, il fallait sortir de prison. »
2 – Se retrouver veuve avec deux jeunes enfants à nourrir
« Ah, oui, le travail… Personnellement, j’ignorais de quoi il s’agissait avant d’avoir été boutée hors du générique d’Amicalement vôtre par quelque entité malfaisante…
3 – Parler l’arabe
Et puisque je n’avais rien d’autre à offrir au monde qu’une expertise en fraude de tout genre et un doctorat en langue arabe, je suis devenue traductrice-interprète judiciaire. ».
4 –Devenir traductrice interprète judiciaire d’écoutes téléphoniques en arabe, Prêter serment d’apporter son concours à la justice, Bien faire son travail d’interprète et… Interpréter les paroles mais dans le sens des prévenus ou des victimes, selon que vous trouvez le type touchant ou pas
« Quand je trouvais mon type touchant, il m’arrivait dans le flot de paroles d’un juge de lui dire des choses en arabe comme : Dis à ces connards ce qu’ils ont envie d’entendre et qu’on en finisse : que t’as volé pour pouvoir prendre ton billet de retour tellement t’as hâte de partir. »
5 – Erre payée au noir par le ministère de la justice
6 – Se spécialiser dans les écoutes téléphoniques chez soi (très important)
Elle écoute et indique aux flics les prochaines livraisons, les paiements…Ils n’ont plus qu’à !
7 – Tenter sa chance sur un coup imparable
8 – Ecouler cinq cents kilos de marchandise, mais, attention, pas d’ostentation ! Se déguiser, prendre l’accent ad hoc, partir avec ses sacs Tati, ne pas avoir peur et revendre « les petits poissons », surtout, ne pas ergoter devant les dealers, petits mecs qui parce que vous êtes une gonzesse, une femme auraient envie de vous rabattre votre caquet.
« Les trois me regardaient hallucinés, s’attendant à tout sauf à faire du deal avec leur mère. »
La Daronne, c’est Constance Portefeux, une intelligence à toute épreuve. Elle a découvert son surnom lors d’une écoute
« Vas-y, moi je bosse toute l’année avec la daronne chelou, là. Je réfléchis même pas si c’est une keuf ou quoi. Elle est tellement patate que je vais te la faire à 8. »
La Daronne est traductrice et, ici, elle traduit au pied de la lettre le besoin des dealers en les fournissant.
Maître Cayre, l’auteure, est avocate dans le civil, mais pas dans la finance, non avocate pénaliste, les doigts dans le cambouis, les pieds dans la fange de la société… Bref, de quoi perdre ses illusions.
Un polar politiquement incorrect, plein d’humour grinçant, d’ironie cinglante, une écriture jubilatoire, vivante, quelque peu provocante. Je pense que Hannelore Cayre a pris grand plaisir à l’écriture de ce livre, allant jusqu’à figurer, déguisée en Daronne, sur la couverture.
J’avais une grande envie de savoir ce que cette Daronne avait dans le ventre… Je ne suis pas déçue, le résultat dépasse mes espérances.
Je comprends pourquoi ce livre a obtenu le prix Le point du polar européen.
J’attends avec impatience le prochain car, Madame Cayre, pardon Maître Cayre, vous n’allez certainement pas vous arrêter en si bon chemin. Vous avez sous les yeux matière à nous étonner encore.
Patience PORTEFEUX , veuve au bout de 7 années de mariage, a élevé seule ses deux filles aujourd’hui adultes. Cela n’a pas été facile, son mari ne lui ayant rien laissé car toutes ses affaires étaient illégales. Elle a survécu grâce à sa connaissance de la langue arabe. Elle est devenue interprète-traductrice pour la Police et la Justice.
Quand elle n’assiste pas des prévenus lors d’interrogatoires, elle traduit des écoutes téléphoniques réalisées lors d’enquêtes sur des trafics de drogue.
Patience, ayant dépassé la cinquantaine, n’a jamais entretenu de relations amicales, et se trouve bien seule. Surtout qu’elle trouve difficile de s’occuper de sa mère âgée et devenue sénile.
Ne voulant pas finir dans la misère (car son statut professionnel est plus que précaire) et laisser quelque chose à ses filles, elle a un jour l’idée de récupérer une grosse cargaison de drogue dont un trafiquant a dû se débarrasser. Elle va devenir « La Daronne ».
Ce très court roman, 170 pages, m’a fait passer un bon moment. Je dirai qu’il est parfait pour une lecture de plage ou de farniente.
La Daronne par-ci, la Daronne par-là et les « tu l’as lu La Daronne ? », ou les « ah, vous ne connaissez pas La Daronne ? »…
Ok, le livre ne faisait pas partie de mon programme d’été (comme celui que je suis en train de lire d’ailleurs…) mais tant pis, j’ai craqué pour La Daronne et j’ai voulu savoir qui se cachait derrière cette femme planquée derrière des lunettes noires et un fichu, l’imper serré à la taille et deux énormes sacs Tati à ses côtés ! Et, bien m’en a pris ! Car cette daronne vaut le détour ! (D’ailleurs, je crois que c’est l’auteur elle-même qui pose sur la couverture !)
Le sujet : Patience Portefeux est née d’un père pied noir et d’une mère juive : « Mes parents étaient des métèques, des rastaquouères, des étrangers… Comme tous ceux de leur espèce, ils n’avaient pas eu beaucoup le choix. Se précipiter sur n’importe quel argent, accepter n’importe quelles conditions de travail ou alors magouiller à outrance en s’appuyant sur une communauté de gens comme eux … ils n’avaient pas réfléchi longtemps. »
Patience Portefeux a donc été à bonne école et, à cinquante-trois ans, veuve depuis longtemps, alors qu’elle travaille comme interprète (elle parle arabe couramment) dans les tribunaux ou traduit les échanges des dealers mis sur écoute pour la brigade des stups du 36 quai des Orfèvres, qu’elle gagne trois fois rien au black (= ni sécu ni retraite) et qu’elle doit subvenir seule aux besoins de sa mère placée en E.H.P.A.D (les Éoliades, 3000 euros x 12 !) et laisser un petit héritage à ses filles, elle se dit que si elle parvenait à arrondir ses fins de mois d’une façon ou d’une autre, ça ne serait pas de refus ! Il faut seulement que l’occasion se présente – l’occasion fait le larron – et le moment venu, ne pas hésiter même si l’on risque de franchir la ligne jaune et de devenir une hors-la-loi (et quand on fréquente un flic divorcé, c’est embêtant!) Quant à se transformer en Daronne, il n’y a qu’un pas… Mais, c’est quoi, au fait, une Daronne ? Ah, ah ! Suspense !
Le personnage principal, à la fois femme et mère désespérée (il y a d’ailleurs plusieurs très beaux portraits de femmes dans ce roman), complètement usée par la vie, veut s’en sortir, coûte que coûte : elle n’a plus le choix. Alors, quand elle prend conscience qu’un traducteur juridique « entend tout avant les autres », elle se dit que ces petites choses-là donnent un certain pouvoir… dont il faut savoir profiter ! « Je traduisais ça à l’infini… encore et encore… Tel un cafard bousier. Oui, ce petit insecte robuste de couleur noire qui se sert de ses pattes antérieures pour façonner des boules de merde qu’il déplace en les faisant rouler sur le sol… Eh bien son quotidien minuscule est à peu près aussi passionnant que ce qu’a été le mien pendant presque vingt-cinq ans : il pousse sa boule de merde, la perd, la rattrape, se fait écraser par son fardeau, n’abandonne jamais quels que soient les obstacles et les péripéties rencontrées… Voilà ce qu’a été ma vie professionnelle… et ma vie tout court d’ailleurs puisque j’ai passé mon temps à bosser. »
Allez, vous en aurez pour votre argent car ce livre est d’une drôlerie insensée : c’est une œuvre pleine d’humour (noir), cinglante, incisive, qui place le projecteur sur de réels problèmes de société (légalisation de la drogue, place de la femme, parents âgés à placer….) Tant pis pour la morale et la loi !
Et puis, la langue est là, imagée (ah les échanges entre dealers : du pur jus!), crue, directe, violente, inattendue, insolente, percutante, à l’image d’une femme (auteur et personnage) qui dit les choses comme elle les pense, que ça plaise ou non. Droit au but, cash ! Du frontal.
C’est très « politiquement incorrect » et j’adore ça !
Paraît-il que Hannelore Cayre (avocate pénaliste de métier, c’est dire si elle connaît le sujet!) nous prépare un roman sur la contrefaçon et les Galeries Lafayette…
Je sens qu’on va encore se régaler…
Elle est interprète judiciaire depuis de longues années, on fait maintenant systématiquement appel à elle pour le même genre d’affaires et assez vite elle travaille à domicile, traduisant des heures d’écoutes téléphoniques. A ce moment de sa vie, la cinquantaine entamée, veuve depuis longtemps (un mec mais le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle n’est pas très accrochée, on le verra), ses filles loin, sa vie se résume à bosser pour payer l’EPHAD de sa mère (Alzheimer). Travailler, pleurer, et dormir. Du coup ses transcriptions sont pour elle une vie par procuration, elle suit les mêmes personnes longtemps, elle voyage sur Google Earth le long des lieux dont elle entend parler.
« Je ne traduisais jamais leurs appels privés. Je marquais toujours sans intérêt pour l’enquête en cours, ce qui ne m’empêchait pas de suivre leurs pérégrinations pour le plaisir, comme si je prenais quotidiennement des nouvelles d’une branche éloignée de ma famille. »
Un jour, elle se réveille et s’implique, et ça déménage…
La Daronne (son pseudo dans ses nouvelles activités) ne ressent aucune culpabilité – elle s’en explique dans un réquisitoire implacable (pages 64 et 65); c’est une extra-terrestre ! Son enfance très particulière (ou ses gènes) en ont fait une personnalité détonnante. Littéralement captivante, elle a un sens de l’humour absolument génial :
« Dans mes traductions, je m’applique toujours à faire du mot à mot. C’est ma marque de fabrique. Je ne perds pas une miette de ce que j’entends, et lors de ma retranscription je m’attache à restituer le ton et le style des conversations afin de ne pas gâcher le plaisir de la lecture. Je confie sur ce point une fascination honteusement patricienne et perverse pour la connerie. »
et nous emmène dans une réalité d’une tristesse infinie, sans rien occulter, mais sans jamais nous plomber. Ca tient du miracle, et une fois terminé ce cinquième roman d’Hannelore Cayre je suis allée commander les quatre précédents, parce qu’un coup de foudre littéraire comme ça, c’est rare.