Cette rentrée littéraire nous amène un nouveau Donato Carrisi. Nouveau le livre et nouveau l’auteur. Son « Chuchoteur », en 2010, histoire d’un Hannibal Lecter italien ficelée sans facilité ni faute de goût, avait rencontré un succès monstre (plus de 300.000 exemplaires en Italie mais aussi en France). Depuis, ce Romain d’adoption, ancien journaliste et scénariste, a changé de formule à chaque fois qu’il s’est remis à l’ouvrage.
Deux ans après son arrivée fracassante, « Le tribunal des âmes » (2012) se glissait dans des décors vaticanesques à la Dan Brown, mais avec d’autres ambitions. Inspiré par un personnage de religieux bien réel, chargé de gérer les archives criminelles de la Cité papale héritées de siècles de confessions, ce deuxième roman s’était intercalé avant la suite obligée du « Chuchoteur » (« L’écorchée » en 2013). Carrisi a encore pris un cap différent pour « La femme aux fleurs de papier », mystère historique situé sur le Titanic, puis pour « Malefico », autre polar romain centré sur un prêtre enquêteur (2015).
« J’ai une règle : m’amuser quand j’écris, nous confiait-il lors d’un passage à Paris. Ecrire l’histoire que j’aimerais lire. Si je m’amuse, je suis certain que le lecteur aussi s’amusera ». Un plaisir qui passe par des remises en question. Pour « La fille dans le brouillard », le romancier italien se recentre cette fois sur les fondamentaux du roman policier. Dans une vallée anonyme des Alpes italiennes, une jeune femme est enlevée : course contre la montre et enquête à huis clos, dans une atmosphère pesante. La construction en flashback donne une mesure du drame annoncé : le commissaire chargé de retrouver la disparue va finir avec du sang sur les mains.
Et de fait, cet enquêteur supposé brillant va se révéler manipulateur, voire truqueur, acharné à faire chuter un coupable trop commode. Les repères entre Bien et Mal se brouillent, l’énigme exhale un parfum de pamphlet, où Donato Carrisi épingle un jeu trouble entre la police et les médias. Habile à typer les personnages de méchants, et à ne pas les situer là où on les attend, il signe un « page-turner » accrocheur grinçant et cynique, qui se dévore d’un trait. Encore un virage bien négocié.